Généreux, Jacques, Jacques Généreux explique l’économie à tout le monde. Seuil. 2014.
Piketty, Thomas. Le capital au XXIe siècle. Les livres du nouveau monde. Paris: Éditions du Seuil, 2013
Rainelli, M. « La nouvelle théorie du commerce international » La découverte, 2003
Valier, Jacques. Brève histoire de la pensée économique d’Aristote à nos jours. Paris, Ed. Flammarion, 2014.
En sociologie
Beaud, Stéphane. La France des Belhoumi: portraits de famille (1977-2017). Collection L’envers des faits. Paris: La Découverte, 2018.
Beaud, Stéphane. 80% au bac et après? les enfants de la démocratisation scolaire. Paris: Éd. la Découverte, 2003.
Becker, Howard, Outsiders, 2012 (1963), (comment un comportement en arrive-t-il à être considéré comme “anormal” ?)
Darmon, Muriel La Sociologie, Armand Colin, 3ème édition, 2016
Elias, Norbert, La Civilisation des mœurs, Pocket, 2006 (1939), (d’où viennent les règles de la vie en “bonne” société ?)
Jounin, Nicolas. Voyage de classes: des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers. Cahiers libres. Paris: La Découverte, 2014.
Jounin, Nicolas. Chantier interdit au public: enquête parmi les travailleurs du bâtiment. La Découverte/Poche. Paris: La Découverte, 2009.
Paugam, Serge, Le lien social, PUF, 2008
Pinçon, Michel, et Monique Pinçon-Charlot. Sociologie de la bourgeoisie. Quatrième édition. Collection Repères, 294. Sociologie. Paris: La Découverte, 2016.
En sciences politiques
Gaxie, Daniel Le Cens caché : Inégalités culturelles et ségrégation politique. Paris, Le Seuil. « Hors collection », (1978)
Lehingue, Patrick Le vote – Approches sociologiques de l’institution et des comportements électoraux, La Découverte, 2011
Muxel, Anne Muxel (Anne) L’expérience politique des jeunes, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
J’ai eu la chance de travailler pendant mes deux ans de Master à l’Université de Paris 1 avec M. Laffargue. J’ai suivi d’abord son cours d’Intégration régionale et mondialisation et l’année suivante son cours d’Econométrie.
Je l’ai croisé récemment grâce à notre passion partagée pour la musique. Je reproduis ici l’hommage apporte par le collectif du CEPREMAP:
Le CEPREMAP déplore la disparition de Jean-Pierre Laffargue, décédé le 15 mars 2025. Ce collègue, qui fut aussi, pour nombre d’entre nous, notre professeur, laisse une empreinte indélébile sur les activités de macroéconomie du CEPREMAP.
Son investissement dans l’élaboration des méthodes numériques permettant de résoudre des modèles économiques de grande taille, non-linéaires et à anticipations parfaites a influencé de manière déterminante la communauté internationale des macroéconomistes. En effet, dans les années 1980, Jean-Pierre Laffargue décide de développer un algorithme permettant de résoudre tout type de modèle dynamique non-linéaire. Sa contribution déterminante sera de tirer profit de la plus grande rapidité et la plus grande stabilité de l’algorithme de Newton-Raphson en développant des méthodes minimisant l’espace mémoire nécessaire pour sa mise en œuvre opérationnelle en vue de réduire les temps de calcul. Cet algorithme de Laffargue fut publié en 1988 dans les Couvertures Oranges du CEPREMAP puis en 1990 dans les Annales d’Économie et de Statistiques.
C’est alors autour de cette avancée majeure dans les méthodes numériques pour l’économiste que s’est bâti le logiciel Dynare. L’algorithme de Laffargue est donc utilisé tous les jours par tous les macroéconomistes du monde entier, qu’ils soient des chercheurs universitaires ou des économistes de grandes institutions telles que le FMI, les FED, ou la BCE. Le travail de recherche fondamentale de Jean-Pierre Laffargue a contribué, et contribue encore aujourd’hui, à aider la décision publique en lui permettant d’utiliser les développements les plus récents de l’analyse macroéconomique pour évaluer et comparer différents scénarios de politiques publiques.
Fort de ces acquis méthodologiques, Jean-Pierre Laffargue contribuera au débat sur l’efficacité des politiques publiques en France. Initiant ce qui deviendra la tradition des travaux du CEPREMAP, il propose des modélisations originales de l’économie française permettant d’analyser et d’évaluer un grand nombre de réformes. À ce titre, ses travaux ont largement contribué à faire évoluer les cadres d’analyse utilisés pour la décision publique. En particulier, dans les années 1990, Jean-Pierre Laffargue a montré comment faire une synthèse, dans le cadre de modèles dynamiques, de l’ensemble des développements de la macroéconomie, tels que la concurrence monopolistique, la théorie des négociations salariales, etc., alors même que ces travaux venaient d’être publiés. Les modélisations développées par Jean-Pierre Laffargue seront alors utilisées pour évaluer une large gamme de politiques publiques, appliquées au cas de la France, telles que les exonérations de charge sur les bas salaires face au progrès technologique biaisé, la TVA sociale, l’imposition des revenus financiers, etc.
Jean-Pierre Laffargue a aussi été le professeur d’un grand nombre d’entre nous. À ce titre, nous le remercions de nous avoir appris la rigueur et le doute. Son humour, son appétence pour le débat et sa capacité d’écoute nous ont permis de partager facilement avec lui ses différents enseignements, en cours et en dehors.
Comprendre le rôle des dotations factorielles et technologiques (avantages comparatifs) dans les échanges commerciaux et la spécialisation internationale.
Comprendre le commerce international entre pays comparables (différenciation des produits, qualité des produits, et fragmentation de la chaîne de valeur).
Comprendre que la productivité des firmes sous-tend la compétitivité d’un pays, c’est-à-dire son aptitude à exporter.
Comprendre l’internationalisation de la chaîne de valeur et savoir l’illustrer.
Comprendre les effets induits par le commerce international : gains moyens en termes de
baisse de prix, réduction des inégalités entre pays, accroissement des inégalités de revenus au sein de chaque pays
Comprendre les termes du débat entre libre échange et protectionnisme.
Problématiques :
Comment expliquer les échanges entre les pays ?
Comment expliquer la fragmentation de la chaîne de valeur ?
Comment expliquer la compétitivité d’un pays ?
Faut – il privilégier le libre – échange ou le protectionnisme ?
Objectifs :
Définir les termes : Commerce international, avantages absolus, spécialisation, avantages comparatifs, internationalisation de la chaîne de valeur, compétitivité, compétitivité prix, compétitivité hors prix, FMN, compétitivité d’un pays, libre-échange, protectionnisme, délocalisation.
Expliquer les théories fondatrices du commerce international et de la spécialisation de la production (Avantages absolus, avantages comparatifs, théorème HOS)
Expliquer les nouvelles théories du commerce international (différenciation des produits, qualité des produits, et fragmentation de la chaîne de valeur)
Expliquer pourquoi les FMN fragmentent la chaîne de valeur (recherche de gain de compétitivité prix et de gain de compétitivité hors prix)
Expliquer le lien entre productivité des firmes et compétitivité d’un pays.
Montrer les avantages du libre-échange (spécialisation au regard des avantages comparatifs, baisse des prix, amélioration de la qualité de la production, diversification, baisse des inégalités)
Expliquer les limites du libre-échange (Délocalisation, hausse du chômage, hausse des inégalités)
Montrer les points positifs du protectionnisme (défense de l’emploi, protectionnisme éducatif)
Montrer les effets négatifs du protectionnisme (mauvaise allocation des ressources, frein à l’innovation et aux gains de compétitivité, guerre commerciale)
EC 1 / 3 : – Montrez que les avantages comparatifs notamment les dotations factorielles expliquent les échanges
– Expliquez le commerce entre produits comparables
Montrez le lien entre la productivité des firmes et la compétitivité d’un pays
Expliquez les stratégies des FMN (gains de compétitivité prix et gains de compétitivité hors prix)
Montrez que le commerce intra firme entraîne un partage inégal de la valeur ajoutée
Distinguez le libre-échange et le protectionnisme
Montrez les avantages du libre- échange
Montrez les limites du libre-échange
Montrez les avantages du protectionnisme
Montrez les limites du protectionnisme
Dissertation : – Comment peut-on expliquer les échanges internationaux de marchandises ?
Dans quelle mesure le recours au protectionnisme est-il souhaitable ?
Par quelles stratégies les firmes multinationales cherchent-elles à accroître leur compétitivité ?
Le commerce international ne présente-t-il que des avantages
I – Comment expliquer les échanges commerciaux ?
Document 1
Le commerce international correspond à l’échange de biens et de services entre agents résidents sur des territoires différents. L’économie mondiale se caractérise par d’intenses flux commerciaux. Selon l’OMC (2018), la valeur des exportations mondiales de marchandises a atteint 17 730 milliards de dollars en 2017 (en croissance de 11 % par rapport à 2016) et celle des services 5 280 milliards (en croissance de 8 %). À nouveau, le volume du commerce mondial de marchandises (mesuré par la moyenne des exportations et des importations) a connu une croissance plus forte (4,7 %) que celle du PIB mondial (3 %).
On peut donc se demander quel est le fondement des échanges commerciaux?
Comment les pays déterminent – ils ce qu’ils vont produire puis échanger ?
Les théories fondatrices du commerce international : expliquer le commerce inter branche
a. La théorie des avantages absolus d’Adam Smith
Qu’est-ce que la productivité ? Illustrez avec la productivité du travail.
2. Qu’est-ce que la spécialisation ?
3. Pourquoi la spécialisation conduit – elle a des gains de productivité ?
4. Quelles sont les conséquences de la spécialisation ?*
5. Pourquoi les agents économiques en ressortent – ils gagnants ?
6. Qu’est-ce qu’un avantage absolu ?
7. Selon Adam Smith, à quoi les pays ont – ils intérêts ?
8. Quel lien peut – on faire entre les travaux d’Adam Smith et le développement du commerce international ?
Document 4
On suppose qu’en Angleterre, une bouteille de vin s’obtient en 120h de travail.
Quel pays détient l’avantage absolu dans la production du vin ? Même question pour les draps ?
2. Que peut – on en déduire ?
b) La théorie des « Avantages relatifs ou comparatifs » de David Ricardo
Document 5
Un pays doit – il produire tout ce qu’il peut ou doit – il se spécialiser dans les activités où il dispose d’un avantage, maximiser ainsi ses recettes à l’exportation et importer les biens et les services pour lesquels il est moins performant ? Adam Smith (1776) a énoncé à ce sujet une première ligne droit de l’avantage absolu, selon laquelle une nation devrait produire tout ce pourquoi elle est plus efficace que les autres. Point de vue étrange au fond, puisqu’il pourrait justifier que certaines nations moins avancées ne produisent rien et importent tout !
David Ricardo (1817) corrige vite l’intuition de Smith en proposant la « loi des avantages comparé ou relatif » : un pays doit se spécialiser dans les secteurs où il est vraiment meilleur, c’est à dire là où son avantage comparé est le plus fort. Par exemple, admettons que l’Angleterre soit plus efficace que le Portugal à la fois dans la viticulture et le textile ; elle doit néanmoins se concentrer sur le textile et importer du vin ; si elle est relativement plus productive dans le textile que dans la viticulture. En effet, si elle produit du vin, elle subit un coût d’opportunité en employant des ressources qui seraient plus rentables dans le textile.
J. Généreux, Les vrais Lois de l’économie, Editions du Seuil, 2014
2. Quelle est la différence avec les avantages absolus ?
3. A partir de quoi va – t – on déterminer qu’un pays a un avantage comparatif ? Illustrez.
Document 6
Pourquoi en Angleterre aucun travail ne produit du vin et 220 travailleurs qui font du drap ?
2. Pourquoi le niveau de production de drap s’élève à 2,2 ?
3. Que peut – on dire du niveau de production global après la spécialisation ?
4. Question globale : Selon D. Ricardo, à quoi les pays ont – ils intérêt ?
c) Le théorème HOS
Document 7 : Le théorème HOS (Heckscher, Ohlin, Samuelson)
Soit deux nations qui disposent de stocks donnés de facteurs de production, le travail et le capital, indispensables pour produire deux biens. Les deux nations ont des dotations relatives en facteurs de production différentes, les dotations relatives étant mesurées par le stock de capital rapporté au travail disponible. Supposons que l’Angleterre ait un stock de capital relativement plus élevé au travail que le Portugal. Les deux biens [le drap et le vin] sont produits […] avec la même technique dans les deux pays. Supposons que le drap nécessite relativement plus de capital que de travail, alors que la situation inverse prévaut pour le vin. Dans ce cas, l’Angleterre tendra à se spécialiser dans la production de drap et le Portugal dans celle de vin parce que le capital est relativement moins cher en Angleterre (car il est relativement plus abondant). Il existe toujours dans ce modèle des avantages comparatifs, mais leur origine diffère de celle retenue chez Ricardo : les différences des productivités relatives du travail sont remplacées par les différences des dotations factorielles relatives. […] Le message des théories traditionnelles en ce qui concerne la politique commerciale est donc que le protectionnisme doit être banni : l’ouverture des échanges internationaux est à l’origine de gains pour toutes les nations échangistes.
Source : Michel Rainelli, « Internationalisation des échanges et croissance », in Pascal Combemale, Les grandes questions économiques et sociales, La découverte, nouv, ed, 2013
D’où proviennent les avantages comparatifs selon le théorème HOS ?
2. En fonction de quoi les pays doivent – ils se spécialiser ? Illustrez avec l’exemple de l’Angleterre et du Portugal.
Document 8
« Le moteur du commerce international est l’avantage comparatif, mais d’où vient l’avantage comparatif ? (…)
Les différences de climat Une raison essentielle pour laquelle le coût d’opportunité de la production de crevettes au Vietnam et en Thaïlande est inférieur à ce qu’il est aux Etats-Unis est que les crevettes ont besoin d’eau chaude le Vietnam en regorge mais pas les Etats-Unis. De manière générale, les différences de climat jouent un rôle significatif dans le commerce international. Les pays tropicaux exportent des produits tropicaux comme le café, le sucre, les bananes, et de nos jours les crevettes.
Les différences de dotation en facteurs Le Canada est un exportateur majeur de produits forestiers le bois et les produits dérivés du bois comme la pâte et le papier vers les Etats-Unis. Ces exportations ne sont pas le reflet d’une qualification spéciale des bûcherons canadiens. Le
Canada a un avantage comparatif dans les produits forestiers (…). Les forêts comme le travail et le capital, sont des facteurs de production utilisés pour produire des biens et services. Pour des raisons historiques et géographiques, la combinaison des facteurs disponibles de production diffère selon les pays, ce qui donne lieu à une source d’avantages comparatifs importante. (…). Un concept clé du modèle est l’intensité factorielle. Les producteurs utilisent des ratios différents de facteurs de production pour la production de bien différents. Par exemple les raffineries de pétrole utilisent beaucoup plus de capital par travailleurs que les manufactures de vêtements. Les économistes utilisent le terme d’intensité factorielle pour décrire ces différences entre biens et services : le raffinage de pétrole est intensif en capital, parce qu’il tend à utiliser un ratio capital sur travail élevé, mais la fabrication de vêtements est intensive en travail, parce qu’elle tend à utiliser un ratio travail sur capital élevé. Selon ce modèle un pays aura un avantage comparatif dans un bien dont la production est intensive en facteurs relativement abondants dans ce pays en comparaison des autres pays. Un pays bénéficiant d’une abondance relative de capital aura donc un avantage comparatif dans les secteurs intensifs en capital comme le raffinage de pétrole, mais un pays qui bénéficie d’une abondance relative de travail aura un avantage comparatif dans les secteurs intensifs en travail comme la production de vêtements. (…) Le coût d’opportunité d’un facteur donné la valeur que ce facteur générerait dans un usage alternatif est faible pour un pays si ce facteur est relativement abondant. Comparé aux Etats-Unis, le Mexique est abondant en travail peu qualifié. Le résultat est que le coût d’opportunité de la production de biens intensifs en travail peu qualifié est plus faible au Mexique qu’aux Etats-Unis. L’exemple le plus spectaculaire de la validité de ce modèle est le commerce mondial de vêtements. La production de vêtements est une activité intensive en travail : elle ne nécessite pas beaucoup de capital physique, de même qu’elle ne requiert pas beaucoup de capital humain sous la forme de travailleurs très qualifiés. Il faut donc s’attendre à voir des pays où le travail est abondant tels que la Chine et le Bangladesh développer des avantages comparatifs dans la production de vêtements. Et c’est ce qu’ils font.
Source : « Microéconomie » P. Krugman et R. Wells, 2ème éd, pp 366- 368.
Point vocabulaire à l’oral. Rappelez ce qu’on entend par capital physique, naturel, humain…
En quoi le climat génère – t – il des avantages comparatifs ?
2. En quoi les dotations factorielles relatives en capital naturel et humain sont – elles également source d’avantages comparatifs ?
d) Les nouvelles théories du commerce international : expliquer le commerce intra branche et intra firme
Le développement d’un commerce intra branche
Document 9
Document 10
Qu’est-ce que le commerce intra branche ? A quoi peut – il correspondre ?
2. Comment ce type de commerce évolue – t – il ?
3. Que peut-on conclure des théories fondatrices du commerce international ?
4. Comment expliquer le développement du commerce intra branche ?
II. Le développement d’un commerce intra firme : FMN et fragmentation de la chaîne de valeur
Document 11
Jusqu’aux années 1930, la majeure partie des flux mondiaux d’investissement international était concentrée dans les secteurs agricoles et miniers. […] La prépondérance des flux d’investissement Nord – Sud n’étais alors que le reflet de la course à la constitution […] de zones d’influence où les nations les plus puissantes pourraient trouver les ressources nécessaires à leurs industries. […] A partir des années 1960, […] l’IDE s’analyse comme un moyen de supprimer des coûts de transports dissuasifs et / ou une réponse au protectionnisme de certains pays […] Une autre interprétation, avancée dans les années 1970, met l’accent sur les différences de coûts salariaux (et de législation du travail) d’un pays à l’autre. L’IDE ne viserait pas dans ce cas à créer une filiale relais dont la production serait tournée vers le marché intérieur du pays d’accueil, mais une filiale atelier, destinée le plus souvent à l’assemblage de produits finis dans les zones à bas salaires en vue de la réexportation vers les marchés des pays riches ensuite. […] L’approche par les écarts de coûts […] peut s’appliquer aussi bien aux différences de fiscalité. […] Les mouvements prolongés d’appréciation des monnaies peuvent aussi conduire les firmes nationales à délocaliser leur production vers des zones ou pays à monnaie faible […]
J. Adda, La mondialisation de l’économie, La découverte, coll « Grands Repères », 2012
Quels différents coûts de production une firme subit – elle ?
Pourquoi peut – il être intéressant de les réduire ?
Illustrez cette stratégie en vous appuyant sur l’exemple d’Apple ci-dessous
Document 12
Apple, comme ses concurrents coréens (Samsung) et chinois (Huawei) a mis en place pour son iPhone une véritable chaîne de valeur à l’échelle mondiale. Les tâches à faible valeur ajoutée mais intenses en travail peu qualifié, comme l’assemblage des smartphones, sont effectuées dans des « pays low cost » comme la Chine ou l’Inde. Les composants à fort contenu technologique viennent de différents pays développés, comme le Japon ou la Corée du Sud. Pour ce qui est de la R&D [recherche et développement], du design et des tâches immatérielles à forte valeur ajoutée, elles sont localisées aux Etats-Unis. D’ailleurs, Apple mentionne explicitement sur ses iPhones cette division internationale des tâches, au point même d’en faire un argument commercial : « Designed by Apple in California, assembled in China » ! En réalité, Apple applique le principe de la « courbe du sourire » (smiling curve) qui énonce que les étapes les plus créatrices de valeur sont situées en amont et en aval du processus de production, c’est- à-dire principalement sur des activités de service: en amont, dans la R&D et la conception/design du produit; en aval, dans le marketing, la publicité et les services après- vente.
Ces étapes sont donc réalisées aux Etats-Unis ou, lorsque les compétences ne sont pas disponibles sur le territoire américain, dans des pays développés comme le Japon. A l’inverse, les fonctions d’assemblage, assez peu créatrices de valeur, sont confiées à des pays à bas coût (figure [ci-dessous]). L’ouverture des frontières et l’essor des technologies de l’information ont d’ailleurs permis depuis les années 2000 « d’approfondir » la courbe du sourire, en permettant de délocaliser les tâches peu intenses en valeur ajoutée et en travail qualifié dans les pays émergents.
Q1 : Qu’est-ce que la compétitivité d’une entreprise ?
Q2 : Qu’est-ce que la compétitivité d’un pays ?
Q3 : Pourquoi une entreprise plus productive est-elle plus compétitive ?
En quoi consiste la mise en place de la chaine de valeur mondiale ?
Quelles sont les étapes de la production d’un produit qui sont les plus créatrices de valeur ? Où sont-elles localisées ?
Quelles sont les étapes de la production d’un produit qui sont les moins créatrices de valeur ? Où sont-elles localisées ?
En quoi le développement des chaines de valeur mondiales contribue-t-il au commerce international?
III. Productivité, compétitivité des firmes, compétitivité d’un pays
Document 13
Est compétitif celui qui peut faire aussi bien ou mieux que ses concurrents. Une entreprise non compétitive verra ses ventes se réduire et devra réagir rapidement sous peine de se faire exclure du marché par ses concurrents. A priori, rien n’interdit d’étendre ce concept aux pays dans la mesure où les performances nationales ne sont que la somme des performances des entreprises implantées sur son sol. […] La compétitivité ne peut pas se résumer à la capacité des pays à dégager des excédents commerciaux¹ ou à maintenir des parts de marché² à l’exportation. On peut néanmoins convenir qu’elle est étroitement liée à la capacité d’exportation des pays. […] Seule une progression rapide de la productivité permet à la fois d’assurer de bonnes performances sur les marchés mondiaux et de garantir des gains croissants à l’échange. La compétitivité macroéconomique correspond dès lors à la définition donnée par l’OCDE : « La capacité […] de nations ou d’ensembles supranationaux de générer de façon durable un revenu et un niveau d’emploi relativement élevés, tout en étant et restant exposés à la concurrence internationale. » En clair : la compétitivité n’est rien d’autre que la croissance de la productivité dans un monde ouvert au commerce international. Cette définition […] empêche de considérer comme compétitif un pays qui, au prix de sacrifices intérieurs trop importants, par exemple sous la forme de fortes baisses des salaires, se forgerait une bonne capacité d’exportation. Inversement, un pays qui afficherait un bon niveau de vie mais dont les produits s’exporteraient mal serait également jugé non compétitif.
¹ Excédent commercial : un pays dégage un excèdent commercial, lorsque ses exportations sont supérieures à ses importations.
² Part de marché : Chiffre d’affaires réalisé par une entreprise sur un marché particulier par rapport au chiffre d’affaires total du marché concerné.
Source : A. Berthou et M. Crozet, Les ressorts de la compétitivité, L’économie mondiale, CEPII, La Découverte, 2012
Quel lien peut – on établir entre un gain de productivité et un gain de compétitivité ?
Quel lien peut-on faire en la productivité des firmes, les gains de compétitivité des entreprises et la compétitivité d’un pays ?
Document 14
Les multiples facettes de la compétitivité
Même dans les industries comme le textile, le coût du travail ne représente qu’un déterminant relativement secondaire dans les choix stratégiques des entreprises. Les infrastructures de transport, le risque de change, le prix des assurances, les droits de douane et le coût d’importation des matières premières contribuent souvent à augmenter les coûts de production dans les pays où le travail n’est pas très cher. Et même si les salaires y sont très bas, personne n’ira jamais ouvrir d’usine en Sierra Leone ou en Haïti. Ce qui compte pour une entreprise, c’est ce qu’on appelle le coût unitaire, c’est-à-dire le coût du travail corrigé de la productivité du travail. Et là où les travailleurs sont instruits, motivés et bien entraînés, ce coût peut-être beaucoup plus bas que dans certains pays en développement. Par ailleurs, des productions a priori menacées de délocalisation se maintiennent bien dans des pays à hauts salaires. […] Il est même possible, dans des économies à hauts salaires, de créer une entreprise traditionnelle qui dégage des bénéfices en se focalisant sur l’innovation, le design et les activités à forte valeur ajoutée. […] Les seules ressources capables de créer des avantages comparatifs aujourd’hui résident dans la capacité des entreprises à promouvoir des stratégies fondées sur l’innovation, la conception, la qualité, la réputation de la marque, la proximité avec le client, etc
Source : Suzanne Berger, « La mondialisation n’est pas une voie à sens unique », Alternatives économiques, n°244, février 2006
1.Pourquoi une firme multinationale peut-elle gagner en compétitivité si elle produit là où le travail coûte moins cher ?
2. Le coût du travail est-il le seul déterminant du coût d’un produit ?
3. Pourquoi l’auteure affirme-t-elle que « personne n’ira jamais ouvrir d’usine en Sierra Leone ou en Haïti » ?
4. En prenant l’exemple de l’i-Phone, expliquez la phrase soulignée.
IV. Libre-échange et protectionnisme
IV.A.LeLibre-Echange
IV.A. 1. Les avantages du libre-échange
Document 15
L’échange international présente trois avantages principaux : il favorise la spécialisation, élargit les marchés et donne accès aux techniques. […] La spécialisation est un avantage mis en avant depuis Ricardo. Elle permet à chacun d’utiliser au mieux son travail, en l’affectant aux productions les plus efficaces du pays. […] L’élargissement des marchés est un avantage très important pour les activités où existent des économies d’échelle (1). Lorsque les coûts de production sont principalement des coûts fixes, comme l’écriture d’un logiciel ou la réalisation d’un film, tout élargissement de la production permet de réduire les coûts [unitaires]. La mondialisation du marché des logiciels ou des films permet de les produire de manière plus efficace. A l’extrême, des biens comme les grands avions ne peuvent voir le jour sans un marché mondial. Cet effet est d’autant plus important que le marché intérieur est étroit […]. D’autre part, pour les feuilletons télévisés comme pour les automobiles, il est souvent coûteux de développer de nouveaux modèles, qui peuvent être rentabilisés qu’en vendant beaucoup. Le nombre de modèles disponibles est donc limité par la taille du marché. Celui – ci s’accroît avec son ouverture. Les entreprises bénéficient alors d’un plus grand choix d’équipement, et les consommateurs de possibilités élargies. Tout aussi important est l’échange de facteurs de production. Il permet à un pays d’accéder à ceux qui lui font défaut (ressources naturelles, capitaux ou connaissances techniques) […] ainsi qu’aux techniques développés ailleurs, spécialement dans les pays les plus avancés. (1) économie d’échelle : Elle désigne la baisse du coût unitaire suite à une augmentation du volume de production. Elle repose sur l’existence de coûts fixe très élevés qui s’amortissent de plus en plus avec l’augmentation de la production.
Source : Arnaud Partienty « L’échange international est – il bon pour la croissance ? » Alternatives économiques n°206, septembre 2002
Document 16
La politique de concurrence mise en œuvre par la Commission européenne, mais aussi par les juridictions et autorités nationales de concurrence, vise à maintenir et à développer un état de concurrence efficace dans le marché commun en agissant sur la structure des marchés et le comportement des acteurs économiques. La mise en concurrence des entreprises a pour effet, notamment, de soutenir l’innovation, de réduire les coûts de production, d’accroître l’efficience économique et, par-là, de renforcer la compétitivité de notre économie, notamment vis-à-vis de nos principaux partenaires commerciaux. Ainsi, les entreprises stimulées par la concurrence proposent-elles sur les marchés des produits et des services compétitifs en termes de prix et de qualité. En premier lieu, ces produits et services compétitifs bénéficient aux entreprises intermédiaires qui gagnent ainsi en efficacité et peuvent à leur tour répercuter dans leur processus de production ces gains de productivité. L’ouverture des industries de réseau à la concurrence, par exemple, a conduit en premier lieu à renforcer la compétitivité de l’industrie européenne, qui a pu bénéficier de services de transport de télécommunications ou d’énergie plus efficaces et moins chers. La diffusion du processus concurrentiel contribue donc à raffermir le tissu industriel du marché intérieur et apporte ainsi un clair soutien aux politiques en faveur de l’emploi. En second lieu, la mise en concurrence se traduit pour le consommateur final par une offre diversifiée de produits et de services à des prix plus bas, offre sur laquelle il exerce librement son choix.
Pourquoi la spécialisation des économies et le libre – échange sont – ils positifs ?
2. Pourquoi le libre – échange agrandit – il la taille des marchés ?
3. Pourquoi l’ouverture des marchés produit – elle des économies d’échelle ? Quels sont les effets positifs pour les producteurs ?
4. Quels sont les effets de l’ouverture des marchés sur les facteurs de production utilisés par les producteurs ? En quoi est – ce positif ?
5. Quel lien existe – il entre les innovations et les gains de compétitivité ?
6. En quoi l’ouverture des marchés génère – t – elle des gains de compétitivité et est – elle profitable pour les économies ?
7. En quoi les consommateurs ressortent également gagnants du libre-échange ?
IV.A.2 Les effets du libre-échange
Document 17
Les gains de la mondialisation ne sont pas équitablement répartis. Le graphique [ci-contre] le montre très clairement. En représentant, en fonction de leur revenu initial, le taux de croissance des revenus, nous pouvons voir quels groupes économiques ont le plus gagné au cours de ces dernières décennies. L’axe horizontal indique les centiles au sein de la distribution mondiale des revenus, en partant des personnes les plus pauvres, à gauche, pour aller jusqu’aux plus riches (les « 1% les plus riches au monde »), à l’autre extrémité. […] L’axe vertical montre la croissance cumulée du revenu réel (corrigé de l’inflation et des différences de prix entre les pays) entre 1988 et 2008. Cette période de vingt ans débute avec presque la chute du mur de Berlin, et se termine par la crise financière mondiale. Elle couvre la phase que l’on pourrait qualifier de « mondialisation intense » […]. […] A bien des égards, les années qui ont précédé la crise financière ont constitué la période la plus mondialisée de l’histoire de l’humanité. Mais les gains n’ont pas été distribués équitablement, certains ne tirant même aucun bénéficie de la mondialisation, ce qui n’est d’ailleurs guère étonnant au regard de la complexité du processus. Le graphique […] indique trois points particulièrement intéressants, là où les gains ont été soit les plus élevés, soit les plus faibles. Ils sont notés A, B et C. Le point A se situe autour de la médiane de la distribution mondiale des revenus (la médiane est le niveau de revenu divisant la distribution entre deux parties égales, chacune comprenant 50% de la population ; une moitié mieux lotie, et l’autre moitié moins bien lotie que les personnes disposant du revenu médian). Les personnes qui se trouvent sur le point A ont bénéficié de la plus forte hausse du revenu réel : environ 80% sur cette période de vingt ans. Si la croissance des revenus a été particulièrement forte pour les personnes situées près du revenu médian, elle l’a également été, plus largement, pour toute la frange de personnes classées entre le 40e et 60e centile. Cela représente bien sûr un cinquième de la population mondiale. Qui sont les personnes qui forment ce groupe, principal bénéficiaire de la mondialisation ? Neuf fois sur dix, elles vivent dans les pays émergents d’Asie, essentiellement en Chine, mais aussi en Inde, en Thaïlande, au Vietnam et en Indonésie.
Ce ne sont pas les personnes les plus riches de ces pays, car les riches se situent plus haut dans la distribution mondiale des revenus (donc plus à droite sur le graphique). Ce sont plutôt des personnes qui se trouvent au milieu de la distribution des revenus au sein de leur propre pays, et, comme nous venons de le voir, également au milieu de la distribution mondiale. […] Passons à présent au point B. La première chose à noter est qu’il se situe à droite du point A, ce qui signifie déjà que les personnes situées au point B sont plus riches que celles situées au point A. Mais nous pouvons aussi noter qu’au point B la valeur sur l’axe vertical est presque nulle, indiquant ainsi l’absence de toute croissance de leur revenu réel au cours des vingt années couvertes par le graphique. Qui sont les personnes de ce groupe ? […] Environ les trois quarts des personnes qui forment ce groupe sont citoyens des vieux pays riches d’Europe occidentale, d’Amérique du Nord, d’Océanie et du Japon. Tout comme la Chine prédominait le point A, les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne dominent le point B. Les personnes du point B appartiennent généralement à la moitié inférieure de la distribution des revenus au sein de leur pays. […] Par souci de simplicité, on peut appeler ces gens la « classe moyenne inférieure du monde riche ». Et ce ne sont certainement pas les gagnants de la mondialisation. […] […] Penchons-nous sur le point C. Son interprétation est simple : nous avons ici affaire aux personnes qui compte parmi les plus riches du monde (les 1% les plus riches) et dont les revenus réels ont connu une hausse substantielle entre 1988 et 2008. Eux aussi sont les gagnants de la mondialisation, presque autant que les classes moyennes d’Asie (et même plus qu’elles en termes absolus […]). Les membres du centile supérieur mondial sont, dans leur écrasante majorité, originaires des économies riches. Ce sont les Etats-Unis qui dominent ici : la moitié des personnes qui comptent parmi le pourcent le plus riche sont américaines. (Cela signifie qu’environ 12ù des Américains font partie du centile supérieur mondial). Les autres habitent presque tous en Europe de l’Ouest, au Japon, et en Océanie.
Source : Branko MILANOVIC, Inégalités mondiales : Le destin des classes moyennes, les ultra-riches et l’égalité des chances, La Découverte, 2019.
Note pour comprendre le graphique : les fractiles sont des découpages de la population totale en classe d’effectifs égaux (on les appelle déciles si l’on découpe celle-ci en dix classe, centiles si l’on découpe celle-ci en cent classes, etc.).
Qui sont les gagnants et les perdants du commerce international ? Illustrez par des données ou des informations tirées du texte.
2. Que peut-on dire des effets du commerce international sur les inégalités entre pays ?
3. Que peut-on dire des effets du commerce international sur les inégalités au sein des pays développés et en développement ?
Document 18
Document 18: Commentez le graphique suivant
La part de l’emploi dans la population est plus élevé dans les pays qui ont un degré moyen d’ouverture aux échanges
Document 19
IV. B. Le Protectionnisme
Les Justifications du Protectionnisme
Document 20
Une critique du libre-échange : le protectionnisme éducateur
En Allemagne, au milieu du XIXème siècle, Frédéric List (1798-1846) a une influence déterminante. Celui-ci est généralement considéré comme le théoricien du protectionnisme. Dans un ouvrage publié en 1841, Système national d’économie politique, il met en garde contre les nations en avance sur les autres en matière de commerce, d’industrie et de navigation. Ces pays monopolisent le commerce et entravent le progrès des nations retardataires. Lord Brougham n’avait-il pas déclaré au Parlement anglais en 1815 « … que l’on pouvait bien courir le risque de pertes sur les marchandises anglaises, afin d’étouffer au berceau les manufactures étrangères ». Le projet de F. List était bien de contrer la suprématie anglaise sur les nations européennes. […] Selon F. List, pour être efficace le protectionnisme devait être éducateur, c’est-à-dire, provisoire. En effet, la protection représente toujours un coût pour le consommateur, puisqu’il paie les produits plus chers. Mais ce sacrifice lui est demandé momentanément. L’essor des manufactures permet par la suite d’abaisser les prix et de créer des emplois. À long terme, les citoyens devaient y trouver largement leur compte, à la fois comme producteurs et comme consommateurs.
Source : M. Voisin, « L’internationalisation des économies », in A. Beitone et alii, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, vol. 2, Armand Colin, 1996
Qu’est-ce que le protectionnisme éducateur ?
Pourquoi List ne remet-il pas totalement en cause les théories favorables au libre- échange ?
Document 21
Le protectionnisme européen aujourd’hui
Confrontée à la concurrence de pays à faibles coûts de production, l’UE a introduit plusieurs mesures défensives, incluant des mesures antidumping et antisubventions. Par exemple, l’imposition d’une surtaxe de 35,3% sur les véhicules électriques importés de Chine, en plus des droits de douane de 10 % déjà en vigueur. Entrée en vigueur le 30 octobre 2024, cette mesure fait suite à une enquête révélant que les producteurs chinois bénéficient de subventions jugées déloyales. Appliquée pour cinq ans, cette décision laisse cependant la porte ouverte à de futures négociations avec la Chine et d’autres exportateurs. L’objectif reste de garantir des conditions de concurrence équitables sur le marché unique tout en protégeant les entreprises locales des pratiques commerciales considérées comme injustes. Les enjeux climatiques sont également un frein à l’équilibre économique mondial. En octobre 2023, l’UE a instauré le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), qui impose aux importateurs de déclarer les émissions de gaz à effet de serre (GES) de leurs produits jusqu’en 2025. Au-delà, ils devront acheter des certificats MACF compensatoires dès 2026. L’objectif, aussi ambitieux soit-il, est d’intégrer le coût carbone des importations pour favoriser des pratiques plus vertueuses et éviter le « dumping environnemental » de produits bon marché à forte empreinte carbone. Ces pratiques sont vues néanmoins comme des barrières commerciales dissimulées, qui pourraient provoquer des tensions avec les partenaires commerciaux internationaux.
Entre protectionnisme et préservation du patrimoine
Le protectionnisme est un frein économique qui a donné lieu à de nombreux arrêts au niveau interne aussi, comme celui du Cassis de Dijon, par exemple. Entre respect du libre-échange et défense de produits locaux et nationaux, l’équilibre est précaire, comme en témoigne la récente bataille autour de la feta. Protégée par une Appellation d’Origine Protégée (AOP) réservée aux productions grecques, la feta a été au cœur d’une polémique lorsque le Danemark a continué d’exporter des fromages sous ce nom vers des pays tiers, défiant les règles de l’UE. En 2023, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a statué en faveur d’une protection étendue des AOP hors des frontières européennes, réaffirmant l’engagement de l’Union à préserver l’authenticité de ses produits et à protéger les producteurs locaux.
Si cette décision consolide la position de l’Europe comme gardienne de son patrimoine gastronomique, elle soulève aussi des questions sur la fine ligne entre protection et protectionnisme. Pour l’UE, la défense des AOP fait partie d’une stratégie de « souveraineté économique ouverte », visant à préserver la qualité et l’identité des produits tout en maintenant l’esprit de coopération et d’ouverture commerciale. Les critiques craignent néanmoins que ces pratiques, perçues comme trop restrictives, nuisent aux relations commerciales internationales.
Quels sont les arguments du protectionnisme défensif?
Quelles mesures ont été prises par l’Union européenne?
Expliquez le dumping environnemental
Expliquez la stratégie de souveraineté économique ouverte
IV.B2. Les Instruments du Protectionnisme
Document 23
Les instruments du protectionnisme
Les mesures non tarifaires regroupent l’ensemble des mesures autres que les droits de douane (« tariffs » en anglais) appliquées aux flux de commerce et qui sont susceptibles de les restreindre. Elles peuvent prendre plusieurs formes : des restrictions quantitatives qui limitent de fait les importations (contingents, prohibition, etc.) ; des mesures de contrôle comme les licences non automatiques d’importations ; l’application, aux produits importés, de réglementations internes du pays importateur, que l’on appelle aussi les « mesures techniques ». Les mesures techniques sont très nombreuses, on en distingue deux types :
Les normes sanitaires et phytosanitaires concernent principalement les produits alimentaires. Elles consistent en des contrôles à la frontière en vue de la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de la préservation des végétaux. Il s’agit, par exemple, du degré maximum de résidus d’insecticides, pesticides ou métaux lourds dans des aliments ; de l’obligation d’information des consommateurs (conservation, ingrédients, etc.) ; de règles d’emballage ou de conditionnement (pas de film PVC pour les aliments, etc.).
Les normes techniques imposent certaines caractéristiques aux produits (par exemple, le taux maximum de sel dans le ciment), ou aux méthodes de production. Il peut également s’agir de prescriptions en matière d’emballage ou d’étiquetage. La plupart de ces mesures visent à protéger les consommateurs et l’environnement et ne sont pas conçues à des fins protectionnistes. Cependant, on recense des cas où ces normes sont délibérément destinées à limiter les importations ; leur prolifération, concomitante de la baisse des droits de douane, peut laisser penser que la nature protectionniste de certaines mesures est bien réelle.
Quelles sont les deux grandes catégories d’instruments à l’aide desquels le protectionnisme peut être mis en place ?
Quels sont les instruments autres que l’instauration des droits de douanes présentés dans le document ?
Document 24
Quelles sont les grandes caractéristiques de la politique protectionniste américaine?
La nouvelle politique commerciale des États-Unis s’inscrit dans une logique de coercition, s’appuyant largement sur l’utilisation des droits de douane comme moyen de pression sur les partenaires commerciaux. Si Donald Trump avait amorcé cette approche lors de son premier mandat, l’administration Biden ne l’a pas fondamentalement remise en question.
L’objectif est clair : menacer d’imposer des droits de douane afin de restreindre l’accès au marché américain, qui est considérable. Cette stratégie vise particulièrement les pays dont l’économie est fortement dépendante des exportations vers les États-Unis. C’est le cas du Canada et du Mexique, qui envoient entre 75 et 80 % de leurs exportations vers leur voisin.
Sous la menace de sanctions tarifaires, la Colombie a accepté de modifier sa politique d’accueil des migrants en provenance des États-Unis, tandis que le Canada a renforcé le contrôle de ses frontières pour limiter l’immigration et le trafic de fentanyl. Des pressions similaires sont en cours sur le Japon, la Corée du Sud et le Royaume-Uni. L’Union européenne pourrait bientôt être ciblée, avec la menace d’une hausse de 25 % des droits de douane sur les produits européens.
L’administration américaine justifie cette politique en dénonçant un traitement commercial injuste à l’égard des États-Unis, notamment un manque de réciprocité dans les droits de douane. L’argument avancé est que les États-Unis appliqueraient des droits de douane relativement bas sur les importations étrangères, alors que leurs partenaires commerciaux imposeraient des tarifs plus élevés sur les produits américains.
Dans les faits, cette analyse est contestable. En moyenne, les droits de douane appliqués par les États-Unis sur les produits européens sont comparables à ceux imposés par l’Europe aux produits américains. Certes, il existe des écarts sur certains produits, mais ils ne justifient pas une réforme radicale du système commercial mondial.
Donald Trump souhaite aller encore plus loin en instaurant une réciprocité sectorielle : pour chaque produit importé, le droit de douane américain devrait être ajusté en fonction du tarif appliqué par le pays exportateur. Une telle mesure serait un casse-tête administratif, car les États-Unis commercent avec 150 partenaires et importent près de 10 000 produits différents. Par ailleurs, une analyse détaillée des relations commerciales entre les États-Unis et l’Europe montre que seuls 49 % des produits sont concernés par un écart défavorable aux Américains.
En réalité, cette politique relève davantage d’un rapport de force systématique destiné à arracher des concessions aux partenaires commerciaux, sans pour autant offrir de contreparties.
Quels sont les impacts pour l’économie américaine ?
Si cette politique permet aux États-Unis de renforcer leur position dans les négociations internationales, elle risque d’entraîner des conséquences négatives sur l’économie américaine. Tout d’abord, elle entraînera une hausse des prix pour les consommateurs américains. En augmentant les droits de douane sur des produits importés comme les voitures allemandes (dont le tarif passerait de 2,5 % à 10 %), le coût d’achat pour les ménages américains augmentera, réduisant ainsi leur pouvoir d’achat. Les entreprises américaines seront également impactées. Par exemple, Boeing achète des équipements à des sociétés françaises comme Safran. Si ces pièces sont soumises à des droits de douane plus élevés, les coûts de production augmenteront, diminuant la compétitivité des entreprises américaines sur le marché international.
Par ailleurs, l’impact sur les recettes fiscales des États-Unis sera limité. Aujourd’hui, les taxes douanières ne représentent qu’environ 1 % des recettes publiques américaines. Même avec des droits de douane extrêmement élevés (80 % par exemple), les revenus générés ne dépasseraient pas 800 milliards de dollars, soit une somme dérisoire par rapport aux recettes de l’impôt fédéral sur le revenu (3 600 milliards de dollars).
Enfin, l’instabilité des politiques commerciales inquiète les acteurs économiques. Le manque de visibilité sur l’évolution des droits de douane dissuade les investissements et fragilise le commerce international. L’incertitude liée à la politique commerciale américaine est aujourd’hui à son plus haut niveau, ce qui pourrait freiner la croissance et l’innovation.
Et quelles en sont les impacts pour l’Europe ?
Pour l’Europe, l’impact immédiat de cette politique pourrait être modéré. Les États-Unis représentent entre 7 et 8 % des exportations françaises et allemandes. Une hausse des droits de douane de 10 % entraînerait une perte de PIB limitée pour la France, entre 0,1 et 0,2 %.
Cependant, la situation pourrait devenir plus préoccupante si l’administration américaine applique effectivement une taxe de 25 % sur les importations européennes. L’impact serait alors plus significatif, avec une perte de PIB estimée à 0,5-0,6 % pour la France et environ 1 % pour l’Allemagne, dont l’économie est plus dépendante des exportations. Certains secteurs seraient particulièrement touchés comme l’automobile, l’industrie pharmaceutique, les vins et spiritueux ou encore les produits laitiers, des produits que les Européens exportent beaucoup vers les États-Unis. Face à cette menace, l’Europe doit adopter une stratégie de fermeté. L’idée serait d’affirmer son ouverture à la coopération tout en mettant en garde les Etats-Unis contre des représailles équivalentes.
Le marché européen est un levier puissant : il constitue un débouché essentiel pour de nombreuses entreprises américaines. En imposant des droits de douane en réponse aux mesures américaines, l’Union européenne pourrait dissuader les Etats-Unis de poursuivre cette politique agressive. Toutefois, cette stratégie repose sur un pari : celui que les États-Unis hésitent à entrer dans une guerre commerciale qui pourrait nuire à leur propre économie. L’idéal serait d’éviter l’escalade et de trouver un terrain d’entente avant que ces menaces ne se concrétisent.
Le premier ordinateur brésilien fut mis au point en 1974. […] En 1984 le Congrès vota une loi protégeant le secteur informatique. Jusqu’en 1992, cette loi garantit le marché à des entreprises dont au moins 70% du capital était détenu par des nationaux. […] Alors que la production d’équipements informatiques était inexistante au Brésil en 1974, on dénombrait en 1986 270 entreprises nationales qui réalisaient un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dollars et employait alors 16 000 salariés. […] Toutefois les industriels brésiliens du secteur n’ont pas été capables de concevoir de réelles innovations. […] Le manque de compétitivité au niveau des performances techniques et des prix (en moyenne 2,5 fois plus chers que ceux des homologues étrangers) a provoqué l’insatisfaction croissante des acheteurs, et a favorisé le développement de la contrebande (environ 30% du marché brésilien des micro-ordinateurs en 1984). […] Par ailleurs, ce protectionnisme qui s’étendait de la microélectronique à la robotique et à l’instrumentalisation digitale a contribué à retarder la modernisation de toute l’industrie brésilienne.
Source : H. Drouvot, M Humbert, J-C Neffa (cord), Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique Latine, Ed de L’ILHEAL, mars 2014
Quels sont les effets négatifs du protectionnisme sur l’allocation des ressources ?
Pourquoi le protectionnisme réduit – il les gains à l’échange ?
Pourquoi le protectionnisme ralentit – il les gains de compétitivité ?
Quelles sont les conséquences sur la croissance ?
Pourquoi de telles mesures sont également préjudiciables pour les consommateurs ?
Document 26
Chaînes de valeur et protectionnisme
Etant donné le fractionnement des chaînes de valeur mondiales, les produits franchissent plusieurs fois les frontières avant d’atteindre le consommateur final. Les liens ainsi créés devraient a priori réduire les incitations des pays à se protéger. Néanmoins, les récentes mesures protectionnistes prises par les Etats-Unis, dans le but de rapatrier une partie de la chaîne de valeur sur leur sol, vont à l’encontre de cette tendance. Pour la plupart, ces mesures augmentent les barrières commerciales sur les biens intermédiaires, alors qu’historiquement les biens finals étaient les plus protégés. Les Etats-Unis peuvent-ils protéger leur valeur ajoutée avec une telle politique commerciale ? Nous montrons […] que cela portera préjudice non seulement aux pays ciblés, mais aussi à la valeur ajoutée américaine. Deux mécanismes sont à l’œuvre, au-delà de l’impact direct des représailles principalement de la Chine et de l’Union européenne (UE). Premièrement, les importations américaines soumises à des droits de douane plus élevés contiennent inévitablement de la valeur ajoutée américaine (par exemple, des composants américains assemblés à l’étranger), nonobstant l’ajustement des listes de produits ciblés. Les droits de douane supplémentaires des premières mesures prises en 2018 ont taxé environ 900 millions de dollars de valeur ajoutée américaine incorporée dans les importations. Deuxièmement, les exportations américaines subiront également une perte de compétitivité, car le coût de production augmente dans les industries qui utilisent comme intrants des biens importés taxés. […] L’impact délétère2 des guerres commerciales sur des économies fortement imbriquées D’après nos estimations, c’est néanmoins la situation où les Etats-Unis perdent et la Chine gagne qui touche le plus grand nombre de secteurs […]. Tout d’abord, les oléagineux produits aux Etats-Unis sont durement touchés par les mesures de rétorsion chinoises : la valeur ajoutée américaine baisse de 10,5 % (soit 6,5 milliards de dollars, du même ordre que les gains américains dans le secteur sidérurgique). Les producteurs américains de cultures textiles, autres cultures, céréales, fruits et légumes paient également leur tribut. Parmi les secteurs industriels, la chimie est touchée par une baisse de 1,9 % de la valeur ajoutée, représentant plus de 10 milliards de dollars. La même remarque vaut pour l’industrie américaine des équipements de transport (autres que l’automobile), qui souffre d’intrants3 plus chers et affiche une baisse de 3,5 %, soit 5,3 milliards de dollars, de sa valeur ajoutée. […] L’exercice réalisé ici confirme l’impact délétère des guerres commerciales sur des économies fortement imbriquées au sein de chaînes de valeur. Au-delà de l’effet habituel des représailles ciblées (ici sur l’agriculture américaine), les hausses de prix des consommations intermédiaires réduisent la compétitivité des industries en aval. Réciproquement, l’imposition de droits de douane sur les importations de biens finals nuit aux industries nationales en amont qui fournissent les composants nécessaires à l’assemblage de ces biens à l’étranger. Dans une bataille tarifaire, les effets indirects pèsent lourdement sur les pays qui se protègent et ceci d’autant plus que les chaînes de valeur sont complexes.
Extrait de « L’arroseur arrosé : guerre commerciale et chaînes de valeur mondiales », Cécile BELLORA, Lionel, FONTAGNE, Lettre du CEPII, n° 398, Avril 2019.
Nonobstant : cependant.
Délétère : nuisible, pernicieux.
Intrants : consommations intermédiaires
Par quels mécanismes les mesures protectionnistes américaines ont-elles conduit à une augmentation des coûts de production pour les entreprises américaines ?
En quoi l’imposition de droits de douane par les Etats-Unis est-elle préjudiciable aux consommateurs et producteurs du pays ?
Quel comportement plausible de la Chine les auteurs anticipent-ils dans cet article ?
Justifiez le titre du document – « L’arroseur arrosé » – donné par les deux auteurs du texte
IV. C. Le Rôle des Organismes Internationaux
1. Les conférences ministérielles de l’OMC depuis 1995 : points d’accord et de désaccord
2. OMC et dynamique du commerce international
L’Organisation mondiale du commerce est née en 1995. […] [L]’OMC a succédé à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. […] Au cours de ces 70 dernières années, le commerce mondial a connu une croissance exceptionnelle. Les exportations de marchandises ont augmenté de 6% par an en moyenne. Cette croissance a été un puissant moteur d’expansion générale de l’économie et, en moyenne, chaque année, le commerce a enregistré une croissance 1,5 fois supérieure à celle de l’économie mondiale. Le total des exportations en 2019 était 250 fois supérieur au niveau enregistré en 1948. Ce système a été mis en œuvre dans le cadre […] de négociations commerciales organisées sous les auspices du GATT. […]
3- Les principes de l’OMC
Les Accords de l’OMC sont longs et complexes car ce sont des textes juridiques portant sur un large éventail de domaines d’activité […]. Cependant, un certain nombre de principes simples et fondamentaux constituent le fil conducteur de tous ces instruments. Ils sont le fondement du système commercial multilatéral. Voyons ces principes de plus près:
Un commerce sans discrimination
Clause de la nation la plus favorisée (NPF): égalité de traitement pour les autres. Aux termes des Accords de l’OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si vous accordez à quelqu’un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous devez le faire pour tous les autres membres de l’OMC. […]
Traitement national: égalité de traitement pour les étrangers et les nationaux. Les produits importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale, du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. Il doit en aller de même pour les services, les marques de commerce, les droits d’auteur et les brevets étrangers et nationaux. […]
Libéralisation du commerce: progressive et par voie de négociation
L’un des moyens les plus évidents d’encourager les échanges est de réduire les obstacles au commerce, par exemple les droits de douane (ou tarifs) et les mesures telles que les interdictions à l’importation ou les contingents qui consistent à appliquer sélectivement des restrictions quantitatives. Périodiquement, d’autres problèmes comme les lourdeurs administratives et les politiques de change ont aussi été examinés. […]
Prévisibilité: grâce à la consolidation et à la transparence
Parfois, il est peut-être aussi important de promettre de ne pas renforcer un obstacle au commerce que d’en réduire, car la promesse permet aux entreprises de mieux voir les possibilités qu’elles auront à l’avenir. […]
Promouvoir une concurrence loyale
On dit parfois que l’OMC est l’institution du “libre-échange”, mais cela n’est pas tout à fait exact. Le système autorise bien l’application de droits de douane et, dans des circonstances limitées, d’autres formes de protection. Il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’un système de règles visant à garantir une concurrence ouverte, loyale et exempte de distorsions. […]
Source : D’après L’OMC en bref.
Questions :
Quelles sont les missions de l’OMC ?
Quels sont les principes fondamentaux de l’OMC ?
3. L’OMC a-t-elle atteint son but initial défini dans les accords du GATT ?
Par Hélène Rey (Professeure d’économie à la London Business School, vice-présidente du CEPR, membre du Cercle des Economistes)
Publié le 22 nov. 2012 à 01:01Mis à jo3ur le 6 août 2019 à 00:00
Comment expliquer les différences de croissance économique entre pays dans le long terme ? Pourquoi certains pays réussissent-ils à accroître leur richesse pendant un certain temps, mais rencontrent-ils des difficultés ensuite ? Certains ont avancé que la localisation géographique était un élément clef : dans les pays tropicaux où la malaria est prévalente par exemple, la croissance de long terme n’est pas aussi élevée que dans un pays tempéré, en moyenne. D’autres ont pensé que la culture était un élément déterminant. Dans leur livre, Daron Acemoglu et James Robinson réfutent ces deux thèses et expliquent les succès et échecs des nations par la nature des institutions qui gouvernent la vie politique et économique des pays. En étudiant l’histoire d’un grand nombre de nations, ils concluent que les pays qui ont réussi à croître de façon significative sont ceux qui ont eu des institutions politiques et économiques inclusives, c’est-à-dire celles qui ont permis un partage des opportunités entre citoyens. En donnant le pouvoir au plus grand nombre, elles ont déclenché un cercle vertueux de stabilité et d’accès à l’éducation pour une grande partie de la population. A l’opposé, les pays qui se sont bâtis sur des institutions excluant le plus grand nombre et qui ont exploité les ressources naturelles ou humaines pour le seul bien-être d’une élite sont des échecs retentissants. Appliquant son analyse à l’Europe, Acemoglu explique la croissance européenne élevée de l’après-guerre par des institutions politiques inclusives et un pacte social fort, minimisant les inégalités économiques entre citoyens. De tels choix économiques et sociaux ont garanti la paix en Europe et ont constitué un changement important par rapport aux conflits antérieurs, tant internationaux qu’au sein même des pays (par exemple au sein de la république de Weimar). Ils ont pu être soutenus dans le temps grâce à un mode de croissance fondé sur une reconstruction de l’appareil productif dévasté par la guerre. Avec les années 1980-1990 vient la nécessité de changer ce modèle de croissance aux rendements décroissants, en faisant appel à l’innovation. Cette transition est amorcée à divers degrés par les pays européens et s’accompagne d’un accroissement des inégalités et du chômage. Certains pays, comme la Grèce, où le processus de démocratisation est récent, n’ont pas eu le temps de construire des institutions inclusives et un pacte social fort. L’entrée dans l’euro, au lieu d’accélérer la convergence des institutions, la ralentit en permettant à la Grèce d’emprunter à bas coûts ce qui conduit à relâcher la discipline budgétaire et à amoindrir les incitations aux réformes. Pour renouer avec la croissance et sortir de la crise, il faut donc maintenant construire une dynamique européenne autour d’institutions inclusives capables de gérer les conflits et de favoriser une convergence entre pays et au sein des pays. Ces institutions devront être capables de favoriser une large participation politique des citoyens européens. Mario Monti et Sylvie Goulard ne disent pas autre chose dans leur excellent livre « De la démocratie en Europe : voir plus loin » et ils soulignent que l’on peut concevoir diverses pistes, d’un régime parlementaire avec un gouvernement responsable devant le Parlement à un régime présidentiel plus inspiré du modèle américain. Mais une chose est sûre, si l’on en croit Acemoglu, la construction d’institutions inclusives est un processus délicat, car, au cours de l’histoire, les élites et les groupes d’intérêt s’y sont traditionnellement opposé. Ce sont donc les citoyens eux-mêmes qui doivent y pousser.
Comprendre le processus de croissance économique et les sources de la croissance : accumulation des facteurs et accroissement de la productivité globale des facteurs
Comprendre le lien entre le progrès technique et l’accroissement de la productivité globale des facteurs.
Comprendre que le progrès technique est endogène et qu’il résulte en particulier de l’innovation.
Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance en affectant l’incitation à investir et innover ;
Savoir que l’innovation s’accompagne d’un processus de destruction créatrice.
Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus.
Comprendre qu’une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques (notamment l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique) et que l’innovation peut aider à reculer ces limites.
Problématiques :
Quelles sont les sources de la croissance économique ?
Quels sont les limites et les défis de la croissance économique ?
Objectifs :
Connaître les définitions des notions suivantes : Croissance économique, PIB, Facteurs de production, Progrès Technique, Productivité Globale des Facteurs, Innovations, Monopole,
Croissance endogène, Institutions, Externalités, Défaillance de marché
Expliquez les trois causes de la croissance économique (Hausse des facteurs de production, progrès technique, institutions)
Expliquez pourquoi la croissance est endogène
Expliquez la destruction créatrice
Expliquez que a croissance économique a des limites (inégalités de revenu et limites écologiques)
Savoir lire des taux de croissance, des taux de croissance annuels moyens et des contributions à la croissance en point de pourcentage.
Distinguez une évolution en valeur et en volume (TD) et expliquez pourquoi il est pertinent de déflater les données statistiques.
Sujets possibles au bac :
Dissertations :
Les facteurs de production sont – il les seules sources de la croissance économique ?
La hausse des facteurs de production est – elle la seule source de la croissance économique?
Le progrès technique est – il la seule source de la croissance économique ?
Pourquoi le progrès technique est – il source de croissance économique ?
Plan
Introduction: qu’est-ce que c’est la croissance économique?
Les types et les sources de la croissance économique
Innovation et progrès téchnique
Les institutions et la croissance économique
Quelles sont les limites de la croissance économique ?
I. Introduction
Document 1
« La croissance économique désigne, pour un territoire donnée, l’augmentation de la production de biens et services sur une longue période. Il y a donc croissance lorsque, d’une année sur l’autre et de façon répétée, on constate un accroissement d’un flux de produits (biens et services) dont l’élaboration a donné lieu à une distribution de revenus dans le cadre d’une activité légale. Pour un territoire donné, ce flux de production est mesuré par le PIB (produit intérieur brut). Le PIB mesure la valeur qui est créée au cours du processus de production par les organisations productives résidentes durant une année et sur un territoire donné. Il se calcule en additionnant les valeurs ajoutées des unités résidentes* , augmentées de la TVA et des droits de douane et diminuées des subventions sur les produits. Considéré comme un indice de puissance et de vitalité économique d’un territoire pris dans son ensemble, c’est au nom de l’intérêt général que la plupart des gouvernements font de son augmentation un axe majeur des politiques économiques (…). »
*Unité résidente : Une unité (entreprise…) est considérée comme résidente sur le territoire économique du pays si elle y exerce des activités économiques (production) pendant une période d’un an ou plus.
D’après Thomas Fabre « PIB et croissance », in Problèmes économiques, Hors-série, Comprendre l’économie et ses mécanismes, février 2015
A partir de ce document, proposez une définition de croissance économique
Comment mesure – t – on la croissance ?
Pourquoi la croissance économique est – elle un enjeu politique ? Car il est un indice de puissance et de vitalité économique.
II. Les Sources et les Types de la Croissance Economique
A. Les sources de la croissance économique
I. L’augmentation des facteurs de production
Que sont les facteurs de production ? Donnez des exemples concrets de facteurs de production d’une pizzeria.
Pourquoi une hausse du facteur travail est – elle source de croissance économique ?
Pourquoi une hausse du facteur capital est – elle source de croissance économique ?
Document 2
Le succès de la petite Yaris III, surtout en version hybride (essence électrique), permet au site Toyota de Valenciennes d’augmenter ses capacités de production. L’usine du Nord annonce ce mercredi qu’elle recrute plus de 500 opérateurs, portant les effectifs à plus de 4000 personnes. Trois équipes en Juin. « Les prévisions de ventes nous conduisent à augmenter notre production de l’ordre de 15% pour 2014, soit un volume de production de 220 000 unités », affirme Koreatsu Aoki, président de TMMF, l’entité industrielle du groupe japonais en France. Durant l’année 2013, l’usine de Valenciennes avait fabriqué un peu plus de 192 000 Yaris. La version hybride (essence électrique) de la petite voiture nippone « représente 28% de la production du site », précise le premier constructeur automobile mondial, qui a obtenu en 2013 le label « Origine France Garantie » pour la Yaris. Source: D’après A. G Verdevoye, La Tribune, février 2014
Document 2
Pour comprendre le concept de fonction de production, considérons une exploitation agricole dont nous supposerons pour simplifier qu’elle ne produit que du blé et n’utilise que deux inputs1, la terre et le travail. Cette exploitation agricole est gérée par un couple que nous appellerons George et Matha. Ils embauchent des travailleurs pour effectuer le travail physique de la ferme, et nous supposerons que tous les travailleurs potentiels sont de la même qualité – ils sont tous la même compétence et la même capacité à effectuer le travail agricole. L’exploitation de George et Martha s’étend sur 10 acres2 de terrain ; ils ne disposent pas d’autres terrains (…). En revanche, George et Martha sont libres de décider combien de travailleurs embaucher. (…)
Document 3
Georges et Martha savent que la quantité de blé qu’ils produisent dépend du nombre de travailleurs embauchés. Etant donné les techniques de production agricole modernes, un travailleur peut cultiver l’exploitation de 10 acres, mais pas très [efficacement]. Quand on ajoute un travailleur supplémentaire, la terre est divisée également entre les travailleurs : chacun a 5 acres à cultiver quand deux travailleurs sont employés, chacun cultive 3 acres 1/3 quand trois travailleurs sont employés, etc. De sorte que quand des travailleurs supplémentaires sont [embauchés], les 10 acres de terre sont cultivées plus [efficacement] et davantage de boisseaux de blé sont produits. Pour un montant donné d’input fixe, la relation entre la quantité de travail et la quantité d’output constitue la fonction de production de la ferme. (…)
Question 1 : Rappelez le concept de facteur de production.
Question 2 : Comment évolue la production moyenne de boisseaux de blé lorsque le nombre de travailleurs augmente ?
Question 3 : Comment évolue la production supplémentaire de boisseaux de blé lorsque le nombre de travailleurs augmente ?
Question 4 : En l’état actuel de vos connaissances, définissez le concept de productivité marginale.
Question 5 : Comment évolue la productivité marginale du travail dans notre modèle ?
II. La Productivité Globale des Facteurs de production
Document 4
Le succès de la petite Yaris III, surtout en version hybride (essence électrique), permet au site Toyota de Valenciennes d’augmenter ses capacités de production. L’usine du Nord annonce ce mercredi qu’elle recrute plus de 500 opérateurs, portant les effectifs à plus de 4000 personnes.
Trois équipes en Juin. « Les prévisions de ventes nous conduisent à augmenter notre production de l’ordre de 15% pour 2014, soit un volume de production de 220 000 unités », affirme Koreatsu Aoki, président de TMMF, l’entité industrielle du groupe japonais en France.
Durant l’année 2013, l’usine de Valenciennes avait fabriqué un peu plus de 192 000 Yaris. La version hybride (essence électrique) de la petite voiture nippone « représente 28% de la production du site », précise le premier constructeur automobile mondial, qui a obtenu en 2013 le label « Origine France Garantie » pour la Yaris.
D’après A. G Verdevoye, La Tribune, février 2014
Qu’est-ce que le progrès technique ?
2. Qu’est que la PGF ?
3. Quel est le lien entre progrès technique et PGF ?
4. En quoi le progrès technique est – il source de croissance économique ?
Document 5
Les gains de productivité […] permettent […] de faire bénéficier les salariés de hausses de salaires nominaux et/ou de baisses des prix de vente des produits qui élèvent leur pouvoir d’achat. […] Les entreprises peuvent conserver une partie des gains de productivité sous forme de profits facilitant l’autofinancement des investissements. Les recettes de l’Etat étant assises sur les revenus et la consommation, les prélèvements fiscaux et sociaux peuvent croître pour financer des dépenses publiques croissantes : investissements publics, création d’emplois publics et transferts sociaux qui soutiennent la consommation des ménages. Les gains de productivité, en permettant la baisse des prix de vente, sont facteurs de compétitivité, ce qui favorise les exportations. Ainsi, la distribution des gains de productivité, en dynamisant les différentes composantes de la demande globale (consommation, investissement, dépenses publics et exportations) est facteur de croissance économique. Les trente glorieuses en fournissent une excellente illustration.
Point vocabulaire : Compétitivité : Aptitude à faire face à la concurrence. On distingue la compétitivité prix de la compétitivité hors prix. La compétitivité prix désigne la capacité des agents à proposer des produits à un prix inférieur à celui des concurrents. La compétitivité hors prix désigne la capacité des agents à gagner des parts de marché par des critères autres que celui du prix (qualité, service après-vente…)
Quels sont les effets des gains de productivité sur les revenus ? Pourquoi est-ce source de croissance économique ?
Quels sont les effets des gains de productivité sur les prix ? Pourquoi est-ce source de croissance économique ?
Document 7
Faites une phrase avec les données pour la zone euro.
2. Comment expliquer la contribution négative à la croissance des heures travaillées dans tous les pays recensés dans le document ?
3. Chiffrez la part de la croissance qui s’explique par la contribution de la PGF aux Etats- Unis, en Allemagne et en France. Commentez.
III. Innovation et progrès technique
Document 8 : L’innovation chez J.A Schumpeter
L’invention est la production de connaissances nouvelles (d’idées) ; l’innovation est un dispositif nouveau effectivement mis en œuvre ou vendu qui peut prendre la forme d’un produit (bien ou service), d’un procédé (mise en œuvre de nouvelles techniques pour la production de biens ou services) d’une organisation (nouvelle forme de gestion de l’entreprise), de nouveaux débouchés économiques (nouveaux moyens de transports…), de nouvelles sources de matières premières ; la diffusion consiste en l’adoption de ce dispositif nouveau à grande échelle ou par une large population d’agents. Les relations entre ces trois phases sont complexes, chacune influençant les autres par de multiples canaux. Par exemple, les idées nouvelles permettent la commercialisation de produits nouveaux, lesquels à leur tour suscitent de nouvelles idées ; les produits nouveaux sont diffusés, et la diffusion encourage en retour la mise au point de produits nouveaux. »
Dominique Guellec, Economie de l’innovation, La découverte « Repères », 2009, p3-8
Qu’est-ce qu’une innovation ?
2. Quels sont les différents types d’innovation présentés par ce document ? Illustrez – les par des exemples ?
3. Quel lien peut – on faire entre innovation, progrès technique et croissance économique ?
Document 9
L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle – tous éléments crées par l’initiative capitaliste […] qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de destruction créatrice constitue la connée fondamentale du capitalisme.
Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942
Expliquez le processus de destruction créatrice ?
Document 10
Ce modèle de croissance par destruction créatrice (AGHION et HOWITT, 1922; AGHION, AKCIGIT et HOWITT, 2014) est également appelé modèle de croissance schumpétérien parce qu’il s’inspire de trois idées émises par l’économiste autrichien Joseph SCHUMPETER, mais jamais modélisées ni testées auparavant. Première idée : l’innovation et la diffusion du savoir sont au cœur du processus de croissance. La croissance de long terme résulte d’une innovation « cumulative » telle que chaque nouvel innovateur bâtit sur les « épaules des géants » qui l’on précédé. Cette idée fait écho à la conclusion de SOLOW selon laquelle il ne peut y avoir de croissance de long terme sans progrès technique. C’est la diffusion et la codification des savoirs qui permettent à l’innovation d’être cumulative, sans quoi nous serions obligés chaque fois de réinventer la roue, et de gravir la même montagne comme dans le mythe de Sisyphe. Deuxième idée : les incitations et la protection des droits de propriété sont indispensables à l’innovation. L’innovation résulte des décisions d’investissement, notamment en recherche et développement (R&D), de la part des entrepreneurs qui cherchent à obtenir une rente1 en innovant. Tout ce qui garantit ces rentes, en particulier la protection des droits de propriété sur l’innovation, est de nature à inciter les entrepreneurs à investir davantage dans l’innovation. Au contraire, tout ce qui met en péril ces rentes, en particulier l’absence de protection contre la menace d’imitation ou une taxation confiscatoire des revenus de l’innovation, vont décourager l’investissement dans l’innovation. Plus généralement, l’innovation répond aux incitations positives ou négatives données par les institutions ou les politiques publiques. L’innovation est un processus social. Troisième idée : la destruction créatrice. Les nouvelles innovations rendent les innovations antérieures obsolètes ; autrement dit, la croissance par destruction créatrice met en scène un conflit permanent entre l’ancien et le nouveau, elle raconte l’histoire de toutes ces entreprises en place […] qui essaient en permanence d’empêcher ou de retarder l’entrée de nouveaux concurrents dans leur secteur d’activité. La destruction créatrice crée alors un dilemme ou une contradiction au cœur même du processus de croissance : d’un côté, ces rentes ne doivent pas être utilisées par les innovateurs d’hier pour empêcher de nouvelles innovations. […] La réponse de Schumpeter à ce dilemme était que le capitalisme était condamné précisément parce qu’il n’existait pas de moyen d’empêcher les entreprises établies de faire barrage aux nouvelles innovations. Notre réponse à nous est qu’il est possible de surmonter cette contradiction, autrement dit de réguler le capitalisme, ou, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Raghuram RAJAN et Luigi ZINGALES (2003), de « protéger le capitalisme contre les capitalistes ». Philippe AGHION, Céline ANTONIN et Simon BUNEL, Le pouvoir de la destruction créatrice, Odile Jacob, 2020
Comment, selon l’économiste Joseph A. SCHUMPETER et les économistes s’inscrivant dans sa lignée, une économie parvient-elle à dépasser l’état stationnaire dans laquelle elle peut se trouver ?
Pourquoi l’approche schumpétérienne de la croissance est-elle endogène?
2. Pourquoi dans le modèle de croissance schumpétérien, le rôle de l’Etat et des politiques publiques est-il essentiel ?
IV. Institutions et croissance économique
Document 11
Qu’est-ce qu’une institution ?
Daron Acemoglu1 et James Robinson2 […] définissent les institutions comme les règles qui conditionnent les incitations3 économiques des individus, ainsi que les perspectives et opportunités qui s’offrent à eux. Ils distinguent en particulier les « institutions inclusives » des institutions « extractives ». Les institutions inclusives4 préservent les droits de propriété et le respect des contrats, et elles minimisent les restrictions à la liberté et à l’opportunité de créer et d’innover, ce qui stimule l’épargne, l’investissement, et le progrès technique, donc la croissance à long terme d’un pays. Au contraire, les institutions extractives freinent et inhibent l’innovation car elles ne garantissent pas les droits de propriété ou bien elles imposent des barrières à l’entrée5 qui protègent les intérêts acquis, mais en même temps empêchent l’éclosion de nouvelles idées et entravent le processus schumpétérien de destruction créatrice (c’est-à-dire le remplacement d’activités ou technologies existantes par de nouvelles activités et de nouvelles technologies).
Source : Préface de Philippe Aghion à l’ouvrage de Daron Acemoglu, James A. Robinson, Prospérité, puissance et pauvreté, Éditions Markus Heller, 2015.
Qu’est-ce qu’une institution ?
Pourquoi la protection de la propriété privée est-elle indispensable pour inciter les agents économiques à investir et innover ?
Qu’est-ce qu’une institution inclusive ? Une institution extractive ? Illustrez par des exemples.
4. À l’aide de l’exemple du travail des enfants, expliquez pourquoi les institutions inclusives favorisent la croissance alors que les institutions extractives l’entravent.
Document 12
D’après Douglass North, quel rôle jouent les institutions telles que les droits de propriété ou la structure sociale dans la croissance .
2. Donnez un exemple d’incitation formelle et un exemple d’incitation informelle à l’innovation.
3. Pourquoi l’incitation à innover favorise-t-elle la croissance ?
Document 13
En abscisses, figure une mesure de l’État de droit, un des indicateurs de la qualité des institutions. Cette mesure reflète la confiance que manifestent les agents dans les règles de la société et dans leur respect, notamment la qualité des mesures d’application des contrats, les droits de propriété, la police, les tribunaux ainsi que la probabilité d’activités criminelles et de la violence. L’indicateur est compris entre -2,50 (faible qualité) et +2,50 (forte qualité). Les données portent sur l’année 2018.
En ordonnées, figure le logarithme du PIB par habitant en 2018 (en $ constant 2010). Le logarithme d’un nombre est la puissance à laquelle il faut élever la base (ici 10) pour obtenir ce nombre. L’échelle logarithmique permet ainsi de représenter sur le graphique des niveaux de vie très différents : de quelques centaines de dollars à plus de 100 000 dollars.
Constatez – vous une corrélation entre le respect de l’État de droit et le PIB par habitant ? Si oui, cette corrélation est-elle positive ou négative ?
Est-ce l’État de droit qui est la cause de la croissance, ou bien l’inverse, ou bien les deux à la fois ? Justifiez votre réponse.
Que doivent faire les économies pauvres pour améliorer leur niveau de vie ?
V. Quels sont les limites et les défis de la croissance économique ?
1 – Les inégalités de revenu
Document 14
Ces dernières années, des technologies comme les logiciels de paiement, l’automatisation des usines, les machines contrôlées par ordinateur, le contrôle automatique des inventaires et le traitement de texte se sont répandues dans les entreprises, remplaçant des travailleurs pour des tâches administratives, dans les ateliers d’usine et dans le traitement de l’information.
En revanche, des technologies comme l’analyse et les méga-données, les communications à grande vitesse et le prototypage rapide ont entraîné un accroissement de la contribution du raisonnement abstrait reposant sur les données, ce qui a augmenté à son tour la valeur des personnes ayant les compétences adéquates en matière d’ingénierie, de création et de conception. L’effet net a été de réduire la demande de travail moins qualifié et d’accroître celle de travail qualifié.
Eri Brynjolfsson, Andrew McAfee, Le Deuxième âge de la machine, Odile Jacob, 2016
Qui demande du travail ?
2. Quels sont les effets du progrès technique sur la demande de travail non qualifié ? Pourquoi ?
3. Même question pour la demande de travail qualifié.
4. Pourquoi le progrès technique accroît – il les inégalités de revenu ?
5. Pourquoi parle – t – on de progrès technique « biaisé » ?
2 – Les limites écologiques
La croissance a des limites écologiques
Document 15
Au cours des 25 dernières années, l’économie mondiale a quadruplé et profité à des centaines de millions de personnes. Mais à l’inverse, 60 % des biens et des services environnementaux mondiaux majeurs dont dépendent les moyens d’existence se sont dégradés ou ont été utilisés sans souci de durabilité parce que la croissance économique des dernières décennies s’est fondée sur l’exploitation des ressources naturelles sans laisser aux stocks le temps de se reconstituer, au prix de la dégradation de l’environnement et de la perte généralisée d’écosystèmes. Par exemple, aujourd’hui 20 % seulement des stocks de poissons commerciaux, pour la plupart des espèces à bas prix, sont sous-exploités, 52% sont totalement exploités sans marge d’expansion, environ 20 % sont surexploités et 8 % sont épuisés. L’eau se fait rare et le stress hydrique devrait augmenter : l’offre en eau ne satisferait que 60 % de la demande mondiale dans 20 ans.
L’augmentation des rendements agricoles a été principalement imputable à l’usage d’engrais chimiques qui ont appauvris les sols sans pour autant ralentir la tendance croissante à la déforestation, qui demeurait de 13 millions d’hectares de forêt par an entre 1990 et 2005. La pénurie de ressources se fait donc durement ressentir dans tous les secteurs économiques qui forment la base de l’offre d’alimentation humaine (pêche, agriculture, eau douce, foresterie) et constituent une source cruciale de moyens d’existence pour les pauvres. La pénurie de ressources et l’inégalité sociale sont les deux marques de fabrique d’une économie qui est très loin d’être verte. Par ailleurs, pour la première fois dans l’histoire, plus de la moitié de la population mondiale réside dans des villes. Celles-ci sont responsables de 75 % de la consommation d’énergie et de 75 % des émissions de carbone. L’augmentation des encombrements et de la pollution, la mauvaise qualité des services et les problèmes qui en découlent nuisent à la productivité et à la santé de leurs habitants en général, mais frappent encore plus durement les pauvres.
Source : Programme des Nations Unies pour l’Environnement, Vers une économie verte : Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté, Synthèse à l’intention des décideurs, Rapport, 2011
L’innovation peut-elle réduire les limites de la croissance ?
Document 16
« La « richesse » doit donc être appréhendée dans le sens le plus large, de manière à y inclure l’ensemble des composantes du « capital » qui contribue à la production du bien-être (1) des générations présentes, et peuvent être transférées dans le futur, et léguées aux générations futures, leur permettant d’atteindre, à leur tour, un bien-être au moins équivalent à celui
dont profitent les générations actuelles. Une consommation est « excessive » si elle ampute ce stock de richesse. Quelles sont les composantes de la richesse qui contribuent à la production du bien-être ? L’analyse de la croissance dite endogène, qui met l’accent sur les contributions d’un ensemble de facteurs accumulables- capital humain, infrastructures publiques, institutions- permet d’en préciser la liste. On en distingue habituellement quatre : le capital physique produit (…), le capital humain – représentation sous forme de stock du facteur travail également présent dans la fonction de production- le capital naturel (…) et le capital social et institutionnel_ dans lequel il convient d’inclure l’ensemble des institutions qui concourent au bon fonctionnement de l’économie, ainsi qu’une évaluation du capital social. »
Source : « Economie de l’environnement et économie écologique », E. Laurent et J. Le Cacheux, 2ème éd, Armand colin, 2015, p127.
(1) Bien-être : Satisfaction éprouvée par les individus du fait de leur niveau de vie et de la qualité de vie. Selon l’INSEE, le niveau de vie correspond au revenu disponible divisé par le nombre d’unité de consommation.
Quels sont les différents types de capitaux présentés par ce document. Illustrez les par des exemples.
En quoi les voitures électriques sont – elles un exemple d’innovation développées pour contrecarrer les limites économiques de la croissance ? En quoi illustrent – elles la conception de la soutenabilité faible ?
2. Les voitures électriques sont – elles une bonne solution ?
Alors que la macroéconomie semblait avoir réussi à juguler la probabilité de survenance d’une grave récession, la crise de 2008 a ébranlé nombre de certitudes macroéconomiques et fait ressurgir les débats sur la pérennité de la croissance. En réalité, le débat sur l’essoufflement de la croissance est beaucoup plus ancien : il apparaît dès les années 1930 et sa médiatisation remonte à 1972, date de la publication par le Massachussetts Institute of Technology du rapport Meadows, « The limits to growth ». Ce rapport démontrait que la recherche d’une croissance économique exponentielle ne pouvait conduire qu’à un dépassement des limites matérielles, et que la croissance allait s’arrêter en raison de la dynamique interne du système et également en raison de facteurs externes, au premier rang desquels l’énergie.
Par la stagnation économique qu’elle a engendrée dans les pays industriels, la crise a remis la réflexion sur la croissance au cœur du débat économique. D’aucuns ont perçu la crise comme le signe annonciateur d’une croissance qui s’essouffle (Gordon). Pour d’autres, la crise a mis davantage en exergue le phénomène de creusement des inégalités et de marginalisation des classes moyennes. Enfin, la crise a ravivé les débats sur les politiques de croissance, en particulier entre les partisans de politiques purement macroéconomiques et ceux qui préconisent des réformes structurelles.
Dans cet article, après avoir brièvement présenté les faits saillants du modèle schumpétérien, nous défendons l’idée que ce cadre de pensée n’a pas été invalidé par la crise, et qu’il demeure pertinent sur trois sujets. Tout d’abord, nous montrons que la croissance de la productivité est vraisemblablement mal mesurée, ce qui jette le doute sur l’idée de stagnation séculaire et réhabilite la théorie de la destruction créatrice. En outre, le paradigme schumpétérien démontre la nécessité des réformes structurelles pour soutenir l’innovation et la croissance. Enfin, il permet de repenser le débat sur les inégalités en montrant l’impact positif de l’innovation et de la destruction créatrice pour encourager la mobilité sociale.
1 – Le modèle schumpétérien
Le modèle de croissance schumpetérien développé en 1987 par Philippe Aghion et Peter Howitt (Aghion and Howitt, 1992) repose sur quatre idées inspirées de Schumpeter.
La première idée est que la croissance de long-terme résulte de l’innovation. Sans innovation, l’économie est stationnaire. L’économie stationnaire prévaut avant le capitalisme et fonctionne à l’image d’une boucle fermée se reproduisant à l’identique.
La deuxième idée est que l’innovation ne tombe pas du ciel et qu’elle est un processus éminemment social. Elle résulte en effet de décisions d’investissement (en recherche et développement, formation, achat d’ordinateurs, etc.) de la part d’entrepreneurs, vus comme les piliers du capitalisme. Contrairement aux classiques et à la vision marxiste, l’entrepreneur de Schumpeter ne se rattache à aucun groupe social particulier. Il est celui qui innove [1], qui crée. Il répond aux incitations positives ou négatives données par les institutions et les politiques publiques : ainsi, un pays qui connaît l’hyperinflation ou une protection des droits de propriété insuffisante découragera l’innovation.
Une troisième idée est le concept de destruction créatrice : les nouvelles innovations rendent les innovations antérieures obsolètes ; autrement dit, la croissance schumpétérienne met en scène un conflit permanent entre l’ancien et le nouveau ; elle raconte l’histoire de ces innovateurs d’hier qui se transforment en gestionnaires quotidiens sombrant dans la routine, essayant d’empêcher ou de retarder l’entrée de nouveaux concurrents dans leur secteur d’activité.
Une quatrième idée est que la croissance de la productivité peut être engendrée soit par l’innovation « à la frontière » soit par l’imitation de technologies plus avancées. Plus un pays se développe (c’est-à-dire se rapproche de la frontière technologique), plus c’est l’innovation qui devient le moteur de la croissance et prend le relais de l’accumulation du capital et du rattrapage technologique (de l’imitation).
2 – Le débat sur la stagnation séculaire
La crise de 2008 a remis au goût du jour les doutes sur la croissance et fait ressurgir l’idée de stagnation séculaire. L’idée de stagnation séculaire n’est pas nouvelle. En 1938, l’économiste Alvin Hansen expliquait lors de sa Presidential Address devant l’Association Américaine d’Économie (AEA) que, selon lui, les États-Unis étaient condamnés à une croissance faible dans le futur. Son raisonnement était fondé sur un ralentissement prévisible de la croissance démographique et une insuffisance de la demande agrégée. En 1938, l’économie mondiale se remet à peine des effets de la crise de 1929, et Hansen n’anticipe pas une Seconde Guerre mondiale qui aura pour effet de faire rebondir la dépense publique et donc la demande agrégée.
Plus récemment, à propos de la révolution Internet, Robert Solow énonce en 1987 le paradoxe selon lequel « on voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité ». Il fait le constat que la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans l’économie américaine ne semble pas se traduire par des gains de productivité et de croissance significatifs. Ce constat est partagé par Robert Gordon (2000), pour lequel la révolution Internet n’est pas comparable aux précédentes révolutions industrielles ; la productivité de la croissance serait restée faible, et elle ne bénéficierait qu’aux secteurs producteurs de TIC. Pour Gordon (2012), le risque d’une stagnation séculaire reflète un problème d’offre. Gordon avance notamment l’idée que les grandes innovations ont déjà eu lieu, en utilisant la parabole de l’arbre fruitier : les meilleurs fruits sont également ceux que l’on cueille le plus facilement (low-hanging fruits), ensuite la cueillette devient plus difficile et moins juteuse.
Par ailleurs, l’éclatement de la crise des subprime de 2008 a conduit Larry Summers, et d’autres avec lui, à reprendre le terme de « stagnation séculaire » pour décrire une situation qu’ils jugent similaire à celle décrite par Hansen en 1938. L’idée défendue par Summers est que la demande en biens d’investissement est si faible qu’il faudrait un taux d’intérêt négatif pour rétablir le plein emploi et maintenir la production au niveau du potentiel.
L’idée de stagnation séculaire a fait des émules. En effet, huit ans après la crise des subprime, la plupart des économies développées accusent encore, en 2016, un retard de production, avec des écarts de production (output gap) qui restent creusés. Cette situation tranche singulièrement avec les comportements cycliques passés des économies consistant à ramener rapidement le PIB vers son potentiel. Cela conduit à s’interroger sur les causes de la perturbation du sentier de croissance survenue depuis presque dix ans et à relancer le débat autour de la « stagnation séculaire ».
La thèse de la stagnation séculaire liée est à l’insuffisance de l’offre est réfutée par plusieurs économistes : ainsi, Crafts (2002) évalue sur très longue période l’économie américaine et montre que la contribution de la diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) à la croissance annuelle de la production et de la productivité serait, depuis 1974 et surtout depuis 1995, très largement supérieure à celle de la machine à vapeur et à la diffusion de l’électricité. En outre, Fraumeni (2001) et Litan et Rivlin (2001) montrent que l’évaluation de la croissance est minorée car de nombreuses formes d’améliorations dans la qualité de certains services (commerce, santé, …) induites par la diffusion des TIC ne sont pas prises en compte dans les statistiques de comptabilité nationale.
Les économistes schumpétériens ont une vision plus optimiste du futur que Gordon, et ce pour plusieurs raisons :
La révolution dans les TIC a amélioré durablement et de façon radicale la technologie de production des idées (Dale Jorgenson) en créant des externalités de diffusion positives entre secteurs. De fait, dans un travail récent, Salomé Baslandze montre que si l’effet direct de la révolution des TIC sur la croissance américaine a eu une durée limitée, par contre cette révolution a eu un effet indirect beaucoup plus pérenne. Elle a permis aux entreprises dans les secteurs les plus « high-tech », qui sont les secteurs les plus dépendants d’idées nouvelles dans les domaines ou secteurs connexes, d’améliorer la productivité de leurs activités de production et d’innovation. Cet effet de diffusion des connaissances a entraîné une réallocation des ressources productives des secteurs traditionnels vers ces secteurs « high-tech », qui a eu un effet important et durable sur la croissance américaine (Baslandze, 2016).
La mondialisation, qui est contemporaine à la vague des TIC, a considérablement augmenté les gains potentiels de l’innovation (effet d’échelle), ainsi que les pertes potentielles à ne pas innover (effet de concurrence). Ainsi, il n’est guère étonnant que nous ayons assisté à une accélération de l’innovation, en quantité et également en qualité – si l’on regarde notamment le volume et l’impact des brevets – au cours des dernières décennies. Ainsi, Akcigit et al. (2016) mettent en évidence le lien entre production des brevets et croissance de la productivité.
Néanmoins, cette accélération de l’innovation ne se reflète pas pleinement dans l’évolution de la croissance de la productivité, en particulier en raison d’un problème de mesure (Aghion et al., 2017). Ce problème de mesure a toutes les chances d’être exacerbé lorsque l’innovation s’accompagne d’un fort taux de destruction créatrice. Le graphique 1 infra montre que le nombre de demandes de brevets est positivement corrélé avec la croissance de la productivité du travail dans les États américains où la destruction créatrice [2] est plus faible, alors que la corrélation est négative dans les États américains où la destruction créatrice est forte. Le même phénomène prévaut lorsque l’on considère les secteurs d’activité : la corrélation entre la production de brevets et la croissance de la productivité est plus positive dans les secteurs qui connaissent le moins de destruction créatrice.
Graphique 1
Corrélation entre les demandes de brevets et la croissance de la productivité du travail aux États-Unis, 1994-2010
Source : Aghion (2017).
Pourquoi un surcroît de destruction créatrice implique-t-il davantage d’erreurs sur la mesure de la croissance de la productivité ? La raison en est que les instituts de statistiques ne savent pas bien décomposer ce qui, dans la croissance de la valeur monétaire de la production d’un secteur ou d’un pays, résulte de l’inflation ou d’une croissance véritable de la valeur réelle des biens. S’agissant d’un objet qui reste le même entre hier et aujourd’hui ou d’un objet qui n’est modifié qu’à la marge entre hier et aujourd’hui, on peut facilement distinguer ce qui est dû à l’inflation et ce qui correspond à une amélioration réelle de la qualité du bien. Mais comment faire lorsqu’un objet est remplacé par un autre objet entre hier et aujourd’hui ? Dans ce cas, les instituts de statistique ont systématiquement recours à l’extrapolation (en anglais : imputation) : autrement dit, pour chaque catégorie de biens, les instituts de statistique calculent le taux d’inflation à partir de l’inflation mesurée sur les biens qui n’ont pas été remplacés entre hier et aujourd’hui. Puis ils extrapolent cette mesure en déclarant que ce taux d’inflation correspond au taux d’inflation pour tous les produits, y compris ceux qui ont été remplacés entre hier et aujourd’hui. On peut montrer qu’à cause du recours à l’extrapolation, le taux de croissance de la productivité aux États-Unis a été sous-estimée de près de 0,6 point par an en moyenne sur les trente dernières années. De même en France, sur les dix dernières années, la croissance effective de la productivité dépasse de 0,5 point la croissance de la productivité mesurée ; autrement dit la croissance effective est le double de la croissance mesurée (Aghion et al., 2017b).
Enfin notre optimisme sur les perspectives de croissance future repose sur la constatation que de nombreux pays, à commencer par le nôtre, profitent avec retard et incomplètement des vagues technologiques, en particulier à cause de rigidités structurelles ou de politiques économiques inadéquates. Ainsi, certains pays n’ont pas su pleinement se transformer d’économies de rattrapage en économies de l’innovation. La comparaison entre la Suède et le Japon (Bergeaud et al., 2014) est particulièrement édifiante : d’un côté, une croissance de la productivité qui s’accélère en Suède, de l’autre une croissance de la productivité qui ralentit au Japon (graphiques 2).
Graphique 2
Tendance de la productivité globale des facteurs en Suède et au Japon
Source : Bergeaud et al., 2014.
Par ailleurs, l’innovation et les politiques d’encouragement à l’innovation permettent non seulement d’agir sur l’offre, mais également sur la demande, et d’éviter la situation décrite par Summers, à savoir une stagnation caractérisée par une trappe à liquidités et par l’insuffisance de la demande agrégée. Ainsi, Benigno et Fornaro (2015), à partir d’un modèle d’inspiration keynésienne, montrent que deux états stationnaires peuvent être atteints : d’une part un état stationnaire caractérisé par un équilibre de plein emploi et une croissance au niveau du potentiel ; d’autre part un état stationnaire de « trappe à stagnation ». Dans cet équilibre, la faiblesse de la demande agrégée déprime l’investissement en innovation, ce qui tire le taux d’intérêt nominal vers zéro et entretient la faiblesse de la demande agrégée. Pour déterminer l’équilibre qui sera choisi, Benigno et Fornaro soulignent le rôle crucial des anticipations : lorsque les agents anticipent une faible croissance, donc un faible revenu, cela entraîne une baisse de la demande agrégée, et partant, une baisse du profit des entreprises et de leurs investissements. Des anticipations défavorables peuvent ainsi créer les conditions d’une stagnation caractérisée par une faible demande agrégée, un chômage involontaire et une politique monétaire inefficace. En revanche, les politiques d’encouragement et de subvention à l’innovation peuvent sortir une économie de la « trappe à stagnation » : l’innovation n’agit pas seulement sur l’offre, mais également permet d’améliorer les anticipations et de stimuler la demande agrégée.
3 – Réformes structurelles et politiques macroéconomiques
L’économie américaine s’est montrée plus résiliente que l’économie européenne après la crise financière de 2008. Certains ont blâmé le manque de réactivité macroéconomique en Europe alors que d’autres ont mis en exergue les lenteurs de la France à adopter des réformes structurelles qui auraient permis d’agir sur la croissance potentielle. De fait, face à une récession, il y a toujours d’un côté ceux qui prônent des politiques de relance (notamment par le déficit et la dépense publics), et de l’autre ceux qui prônent un désengagement de l’État sauf pour garantir la régulation des marchés.
Notre sentiment est que les deux facteurs jouent simultanément ; en particulier, les rigidités persistantes sur les marchés des biens et du travail réduisent l’impact de toute politique macroéconomique « proactive ». Au fond, nous ne faisons que paraphraser le Président de la BCE, Mario Draghi, qui déclarait il y a deux ans à Bretton Woods que la BCE ne pouvait faire que la moitié du chemin en assouplissant sa politique monétaire, et qu’il revenait aux États de faire l’autre moitié du chemin en réformant.
Pour inciter les entreprises à innover, la réforme du marché des produits est cruciale : selon le FMI, elle aurait un impact plus élevé que la réforme du marché du travail. L’impact relativement modeste des réformes du marché du travail montre que les effets de ces réformes sur la productivité et le PIB sont assez faibles (voir Barnes et al., 2011, Bouis et Duval, 2011), surtout si les dépenses publiques associées à ces mesures sont compensées par des mesures d’austérité supplémentaires par ailleurs (Antonin, 2014). En revanche, selon le modèle GIMF (Global Integrated Monetary and Fiscal Model) utilisé par le FMI, si la réforme du marché du travail s’accompagne de réformes du marché des produits, alors le potentiel de croissance augmente fortement. En zone euro, la réforme simultanée du marché des biens et des produits augmenterait le PIB de 4,1 points de pourcentage au bout de 5 ans [3], et de 12,3 points à long terme (Schindler et al., 2014).
De fait, les résultats préliminaires d’une recherche menée par Aghion, Farhi et Kharroubi (2017) suggèrent une complémentarité entre réformes structurelles et politique monétaire plus contracyclique (avec des taux d’intérêt plus faibles en période de récession et plus élevés en période d’expansion). Une politique monétaire contracyclique est favorable à la croissance, en particulier dans les secteurs soumis à des contraintes de crédit ou à des contraintes de liquidités. En effet, elle réduit le montant des liquidités que les entrepreneurs doivent mettre de côté pour se prémunir contre le risque futur de liquidité. Par ailleurs, l’effet sera plus fort dans les pays ayant une faible réglementation du marché des biens [4]. À l’inverse, lorsque le marché des biens est très réglementé, l’évolution cyclique des taux d’intérêt à court terme n’a pas d’impact sur la croissance : les entreprises bénéficient d’une rente et ne sont pas sensibles aux changements de conditions financières. Par ailleurs, la baisse inattendue des rendements obligataires publics dans les pays de la zone euro – consécutive à l’annonce de l’OMT (Opération monétaire sur titres) par la BCE en septembre 2012 – a eu un impact beaucoup plus fort sur la croissance des secteurs les plus endettés, mais uniquement dans les pays ayant une faible réglementation des marchés de biens et services. Dans les pays où la réglementation est forte, la baisse des rendements n’a eu soit aucun effet soit un effet positif sur les secteurs les moins endettés. La réglementation du marché de biens et services a ainsi détourné le financement de la BCE des secteurs endettés vers les secteurs bénéficiant d’une rente.
Autrement dit, en nous montrant plus audacieux en matière de réformes structurelles, non seulement nous inciterons nos voisins rhénans et la BCE à accepter des politiques macroéconomiques plus souples, mais surtout nous augmenterons les gains de croissance à attendre d’un tel assouplissement macroéconomique.
4 – Inégalités et croissance inclusive
Au cours des dernières décennies, on a assisté dans les pays développés à une augmentation accélérée des inégalités de revenus, en particulier tout en haut de l’échelle des revenus : ainsi, le « top 1% » a vu sa part dans le revenu total augmenter rapidement. Différentes explications ont été proposées pour rendre compte de ce fait, mais qui n’ont pas toujours été adéquatement confrontées aux données et à l’analyse empirique. La forte corrélation entre inégalité et innovation reflète un lien causal de l’innovation vers l’inégalité extrême : les revenus de l’innovation contribuent de façon significative à l’augmentation de la part du revenu détenue par le « top 1 % » (Aghion et al., 2015). Il est crucial de savoir que l’augmentation du « top 1% » résulte en partie de l’innovation et non pas seulement de rentes foncières et spéculatives. En effet, l’innovation creuse certes les inégalités, mais elle a également des vertus que les autres sources de hauts revenus n’ont pas nécessairement.
Il y a d’abord le fait que l’innovation est le principal moteur de croissance dans les économies développées. Ce fait est largement étayé par des études empiriques montrant une corrélation de plus en plus forte entre croissance et investissements en R&D ou entre croissance et flux de brevets, à mesure qu’un pays se rapproche de la frontière technologique. En second lieu, s’il est vrai que l’innovation profite dans le court terme à ceux qui ont engendré ou permis l’innovation, dans le long terme les rentes de l’innovation se dissipent à cause de l’imitation et de la destruction créatrice (le remplacement par de nouvelles innovations), et à cause de l’expiration des brevets au bout de 20 ans. Autrement dit l’inégalité générée par l’innovation est de nature temporaire. En troisième lieu, le lien entre innovation et destruction créatrice fait que l’innovation génère de la mobilité sociale : elle permet en effet à de nouveaux talents d’entrer sur le marché et d’évincer (partiellement ou totalement) les firmes en place. Il est intéressant, à cet égard, de remarquer qu’aux États-Unis la Californie (qui est actuellement l’État américain le plus innovant) devance largement l’Alabama (qui est parmi les États américains les moins innovants) à la fois en matière d’inégalités de revenus au niveau du 1 % supérieur de l’échelle des revenus et en matière de mobilité sociale.
Au total, l’innovation propulse son (ses) bénéficiaire(s) dans les tranches les plus élevées de la distribution des revenus, et en même temps l’innovation stimule la mobilité sociale.
Comment alors réconcilier croissance par l’innovation et mobilité sociale ? Une démarche prometteuse semble être d’abord d’identifier les leviers de croissance dans le contexte de l’économie considérée ; puis ensuite d’analyser les effets de chacun des leviers de croissance sur les différentes mesures d’inégalités : inégalités de revenu au sens large (Gini, …), part des revenus captés par le 1 % supérieur de l’échelle des revenus ou encore mobilité sociale. Nous avons vu que l’innovation affectait ces différentes mesures d’inégalités différemment, et en particulier qu’elle augmentait la mobilité sociale.
Il se trouve que les principaux leviers de croissance par l’innovation ont eux-mêmes un effet positif sur la mobilité sociale. Ces leviers ont été identifiés dans des travaux antérieurs [5] comme étant l’éducation (en particulier l’enseignement supérieur), un marché du travail plus dynamique et un marché des biens et services plus concurrentiel, une fiscalité favorable à l’innovation. Quel est l’effet de ces différents leviers de croissance sur la mobilité sociale ?
L’éducation est « inclusive » au sens qu’elle tend à accroître la mobilité sociale et à réduire les inégalités de revenu au sens large : Chetty et al. (2014) montrent par exemple que la mobilité sociale est positivement corrélée avec les résultats obtenus aux tests éducatifs.
Peut-être plus surprenant est le fait que la flexibilité du marché du travail et celle du marché des produits apparaissent également comme favorisant la mobilité sociale, ainsi que le montre le graphique 3 ci-après basé sur des travaux en cours avec Alexandra Roulet. Sur données américaines, nous observons que quand la destruction créatrice augmente, le différentiel de résultats entre enfants issus de familles à hauts revenus et enfants issus de familles à bas revenus diminue, et par conséquent la mobilité sociale augmente.
Graphique 3
Mobilité sociale et destruction créatrice des entreprises aux États-Unis
Sources : Les données d’entreprises sont basées sur les données de recensement Business Dynamics Statistics et les données de mobilité sociale sont issues du Equality of Opportunity Project.
Ce sont des nouvelles encourageantes : les leviers de croissance par l’innovation ont également la vertu de stimuler la mobilité sociale. Une chose enfin est certaine à la lumière de nos discussions précédentes : s’attaquer à l’innovation par le biais d’une fiscalité inadéquate équivaut à réduire non seulement la croissance mais également la mobilité sociale.
5 – Conclusion
Dans cet article, nous avons abordé trois débats ravivés par la crise de 2008 : le débat sur la stagnation séculaire, le débat sur l’articulation entre politique macroéconomique et réformes structurelles et le débat sur le creusement des inégalités et le lien entre inégalités, innovation et croissance.
Nous avons essayé d’expliquer en quoi, sur chacun de ces débats, le paradigme schumpetérien permet de raisonner différemment et suggère à la fois de nouveaux questionnements sur le processus de croissance et des solutions en matière de politiques de croissance.
Tout d’abord, notre discussion sur la stagnation séculaire nous a conduit à l’idée que la croissance de la productivité n’est pas mesurée correctement et est en fait largement sous-estimée, et qu’au total si nos économies sont effectivement sujettes à des mouvements séculaires, liés à la diffusion de nouvelles révolutions technologiques, on peut difficilement parler de stagnation une fois la croissance correctement mesurée.
Notre discussion sur les politiques macroéconomiques et les réformes structurelles, a montré qu’il y a complémentarité entre d’une part des politiques macroéconomiques (fiscales et/ou monétaires) plus réactives au cycle économique, et d’autre part des réformes structurelles qui fluidifient les marchés : c’est ce que nous appelons « l’approche Draghi ».
Enfin, notre analyse de la relation entre innovation et inégalités a montré que si l’innovation contribue à augmenter la part du 1% supérieur dans le revenu total d’un pays, dans le même temps l’innovation et les réformes qui la sous-tendent permettent de stimuler la mobilité sociale en vertu de la destruction créatrice. Par conséquent, une politique fiscale intelligente doit traiter l’innovation différemment d’autres sources d’accroissement des inégalités en haut de l’échelle des revenus.
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DECRYPTAGE. Si le vote reste l’outil de participation politique le plus massif, les différentes générations n’ont pas la même attitude vis-à-vis de cet outil. Par Patricia Loncle, École des hautes études en santé publique (EHESP)
Patricia Loncle
Publié le 29/03/22 à 09:55
Photo d’illustration
Les jeunes Français et les jeunes Françaises, comme l’ensemble des jeunes Européens et dans une certaine mesure comme leurs aînés et aînées, tendent à s’abstenir toujours davantage de voter. Une attitude qui semble se renforcer au fil des décennies. Cet éloignement est encore plus prononcé chez les jeunes peu diplômés et rencontrant des difficultés d’intégration sociale.
Le phénomène a été étudié de manière approfondie par un certain nombre d’auteurs et d’autrices. Anne Muxel, en particulier, a souligné l’existence d’un moratoire concernant les jeunes et leur relation au vote (c’est-à-dire d’une période de transition pendant laquelle les jeunes ne votent pas) ainsi que le caractère politique de leurs abstentions.
Analysant ainsi les raisons de l’abstention des jeunes lors des élections de 2017, elle montre que 48 % des jeunes se déclarent insatisfaits et insatisfaites de l’offre électorale : ils utilisent l’abstention pour manifester leur mécontentement (31 %) et expriment des doutes sur la capacité de l’élection à changer réellement les choses (31 %). Ainsi que le soulignent les résultats d’un tout récent sondage Ipsos, seulement 47 % des jeunes de moins de 24 ans se déclarent certains de se rendre aux urnes au printemps 2022 (contre 65 % de la population générale et 79 % des plus de 70 ans). Les jeunes insistent, comme en 2017, sur leur faible enthousiasme vis-à-vis des candidates et candidats déclarés.
Une conception exigeante de la démocratie
Comme le pointe Vincent Tiberj, si le vote reste l’outil de participation politique le plus massif, les différentes générations n’ont pas la même attitude vis-à-vis de cet outil – cet auteur rappelle qu’en 2020, à l’occasion des élections municipales et malgré l’épidémie de Covid, 20 millions de Françaises et Français se sont déplacés alors que les manifestations massives « Je suis Charlie » n’ont rassemblé « qu’un » million et demi de personnes.
Alors que les plus âgés tendent à recourir au vote de manière systématique, les plus jeunes en font un usage intermittent, et ce même parmi les plus diplômés. L’explication de cet éloignement des jeunes vis-à-vis du vote est sans doute à rechercher du côté de la défiance institutionnelle de cette population vis-à-vis des responsables politiques.
Ainsi que le met en évidence Tom Chevalier, par le biais de travaux comparatifs, plus l’action publique se base sur des critères de citoyenneté socio-économique inclusive, plus les jeunes ont confiance dans les institutions et, à l’inverse, plus les jeunes se trouvent confrontés à des normes restrictives (une citoyenneté refusée pour reprendre les termes de l’auteur), plus la confiance des jeunes à l’égard des institutions tend à décroître.
Cela dit, pour comprendre les relations entretenues entre les jeunes et le politique, il faut sans doute sortir d’une perspective essentiellement dépréciative.
Tout d’abord, les travaux de recherche montrent que les jeunes, de plus en plus diplômés et au fait des enjeux sociaux, ont une conception exigeante de la démocratie, basée sur une relation à la fois distante et critique, alimentée par leurs capacités à décoder les discours, à comprendre les jeux de la scène politique et à remettre en question la capacité des gouvernants à vraiment agir sur les défis globaux.
En outre, ils et elles font preuve d’une plus grande tolérance vis‑à‑vis de certaines questions sociales comme celle de l’immigration par exemple. Dans la même veine, Camille Bedock souligne que, si les jeunes se disent moins attachés que leurs aînés à l’importance d’être gouvernés démocratiquement (8.3 sur une échelle de 0 à 10 pour les personnes nées après 1990 contre 8.6 en moyenne), ils et elles considèrent que l’égalité des droits entre les hommes et les femmes est particulièrement importante (8.6 contre 8.3 en moyenne), que la redistribution par l’impôt est un outil intéressant (6.2 contre 6 en moyenne) de même que l’égalisation des revenus (6.2 contre 5.8). Ils et elles se montrent donc dans le même temps plus détachés des règles démocratiques et plus attachés à des valeurs sociales fortes.
Ensuite, en dehors des rencontres électorales, les jeunes développent des formes d’engagement multiples. Là encore, un certain nombre de chercheurs et chercheuses ont pu mettre en évidence des évolutions dans les manières dont les jeunes s’engagent aujourd’hui. Dès les années 1990, Jacques Ion avait souligné une prise de distance vis-à-vis des modes classiques de représentation politique à travers le vote, l’adhésion à un parti politique, à un syndicat ou encore à une association nationale, et avait insisté sur l’émergence de ce qu’il a appelé des formes d’engagement « Post-it », plus réversibles, en pointillé et marquées par des exigences du point de vue de la délégation de la parole.
Grande diversité des engagements
Plus récemment, Sarah Pickard a proposé la notion de « Do it yourself politics » pour qualifier les comportements politiques des jeunes. Selon elle, ces derniers développent de nouvelles conceptions dans lesquelles l’engagement devient composite et multiforme dans la mesure où la même personne peut à la fois s’engager dans la sphère privée (en pratiquant la réduction des déchets par exemple) et au local (en adhérant à une association de son territoire) tout en militant à l’échelle nationale pour une cause particulière et en signant des pétitions internationales sur des sujets devenus globaux comme #Metoo, Black lives matter ou encore Fridays for Future.
Par ailleurs, il est possible d’insister sur le fait que l’engagement des jeunes peut s’exprimer à la fois dans une certaine proximité avec les institutions, car les jeunes s’impliquent dans les dispositifs de participation promus par les pouvoirs publics (qu’il s’agisse de Conseils de jeunes, du Service civique ou bien des bourses de soutien aux projets de jeunes) ou bien totalement en marge des pouvoirs publics ou encore en opposition avec ces derniers.
Dans une recherche européenne récente sur l’engagement des jeunes au niveau local en Europe, nous avons ainsi eu l’occasion de montrer la grande diversité de ces formes d’engagement dans les domaines de l’écologie, de l’accueil des personnes exilées, de la lutte contre la précarité ou bien encore pour la défense des personnes LGBTQ. Si, dans certains cas, peu fréquents, les responsables politiques s’appuient sur ces mouvements, dans la vaste majorité des cas, ils et elles ont tendance à les mettre de côté ou à simplement ne pas les considérer comme des formes d’expression politique.
Pourtant, les mobilisations de jeunes peuvent parfois jouer des rôles tout à fait importants alors même que les pouvoirs publics refusent de s’impliquer. C’est singulièrement le cas pour les personnes exilées déboutées du droit d’asile où la solidarité déployée par les jeunes vient pallier l’absence d’intervention publique.
Il est donc sans doute nécessaire, pour comprendre quels sont les rapports noués entre les jeunes et le politique aujourd’hui, de reconnaître à la fois la distance critique qu’exercent les jeunes quand ils et elles s’abstiennent et l’importance de leurs capacités de mobilisation sur des sujets sociaux cruciaux et parfois peu couverts par les pouvoirs publics.
Comprendre que l’engagement politique prend des formes variées (vote, militantisme, engagement associatif, consommation engagée).
Comprendre pourquoi, malgré le paradoxe de l’action collective, les individus s’engagent (incitations sélectives, rétributions symboliques, structure des opportunités politiques).
Comprendre que l’engagement politique dépend notamment de variables sociodémographiques (catégorie socioprofessionnelle, diplôme, âge et génération, sexe).
Comprendre la diversité et les transformations des objets de l’action collective (conflits du travail, nouveaux enjeux de mobilisation, luttes minoritaires), des acteurs (partis politiques, syndicats, associations, groupements) et de leurs répertoires.
11.1 Les formes de l’engagement politique La distinction entre conventionnelle ou non conventionnelle
Plus que leur impact, c’est leur légitimité qui distingue les différentes formes de participation po litique. C’est ce que reflète la distinction faite classiquement en science politique entre formes conventionnelles et non conventionnelles de participation politique. La première catégorie désigne le vote et l’ensemble des pratiques en lien avec le processus électoral. La participation non conven tionnelle regroupe des pratiques protestataires telles que la manifestation, la gréve, la pétition (qui sont les formes légales de participation non conventionnelle) mais aussi des pratiques illégales telles que l’occupation d’un bâtiment, la séquestration, le recours à la violence… La distinction met bien en évidence le fait que, dans les démocraties représentatives, toutes les formes de participation ne bénéficient pas de la même légitimité.
Question: Comment caractériser les actions qui ne cherchent pas à conquérir mais à influencer le pouvoir?
Question: Quel autre critère est utilisé pour classer les formes de participation politique?
Question: Les formes d’engagement suivantes sont-elles conventionnelles ou non conventionnelles?
une gréve à La Poste pour contester la réforme des retraites
un meeting organisé par le RN
le blocage d’un dépôt de carburant par des manifestants
le vote nul
la séquestration d’un PDG
Les enjeux perçus
Les enjeux objectifs de l’élection semblent cependant un peu mieux perçus que lors des campagnes précédentes. [73 %] des Européens (et 71 % des Français) disent que les actions de l’UE ont un impact sur leur vie quotidienne. La campagne est plus animée qu’en 2014 et 2019 et les sondages montrent un [intérêt accru] pour cette consultation. 60 % des Européens s’y intéressent (contre seulement 47 % des Français, très eurosceptiques.
L’intention d’aller voter est aussi en nette progression. 81 % des Français et des Européens pensent que le vote est encore plus important dans le contexte international actuel. La politique européenne de soutien à l’Ukraine divise l’opinion française et pourrait contribuer à la mobilisation des électeurs, soit pour soutenir la politique menée (c’est le cas dans le camp présidentiel et une partie de la gauche), soit pour la critiquer, souhaiter l’apaisement et des négociations avec la Russie (position de la gauche et de la droite radicale).
Selon les Européens, quatre thèmes devraient être prioritairement abordés pendant la campagne : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (choisi par 33 %), la santé publique (32 %), le soutien à l’économie (31 %), la défense et la sécurité de l’UE (31 %). Il faut souligner que ces thématiques privilégiées par les électeurs ne concernent pas toutes directement l’Union européenne. La lutte contre la pauvreté et la politique de santé sont avant tout des compétences nationales : l’Union n’y a qu’un rôle d’appoint.
Les domaines les plus choisis par les Français diffèrent : ils mettent plus largement en tête la lutte contre la pauvreté (42 %), sélectionnent ensuite la lutte contre le changement climatique (37 %) et la santé publique (36 %). Par contre, la défense et la sécurité de l’Europe ne viennent qu’en 6e position (24 %). L’euroscepticisme et l’attachement à la souveraineté nationale laissent peu de place à l’ambition d’une souveraineté européenne. En défendant la construction d’une défense commune européenne, Emmanuel Macron a livré une vision politique en partie à destination des pays membres, mais il n’est pas certain que cette insistance soit électoralement très porteuse. Les attentes diffèrent en fonction des valeurs politiques de chaque pays et de son histoire.
Des enjeux perçus liés aux politiques nationales
Alors que les enjeux objectifs ont trait aux politiques européennes, les enjeux perçus et ressentis sont donc beaucoup plus dépendants des politiques nationales. Ce qui n’est guère étonnant. Dans chaque pays, la politique nationale reste dominante dans l’opinion par rapport aux débats européens que beaucoup connaissent très mal. Les enjeux politiques nationaux sont projetés sur l’élection européenne.
Les candidats parlent surtout des politiques européennes qui sont aussi liées aux politiques nationales, sans entrer dans des présentations très précises des mesures adoptées ou de celles qu’il faudrait mettre en œuvre en Europe. Ainsi, beaucoup de candidats parlent de la lutte contre le réchauffement climatique et des énergies renouvelables, à la fois parce que l’Union a adopté le pacte vert et parce que c’est un sujet très actuel en France et dans tous les pays européens.
Jordan Bardella (RN), François -Xavier Bellamy (LR) et Marion Maréchal (Reconquête !) critiquent amplement le pacte vert, considéré comme « de l’écologie punitive », appelé à « générer de la décroissance » et de « l’appauvrissement pour les agriculteurs ». Au contraire, les candidats de gauche et Renaissance défendent le pacte, voire souhaitent que l’Europe aille plus loin. Autre exemple, Marion Maréchal pour Reconquête ! parle beaucoup d’invasion de la France et de l’Europe par les migrants, comme Eric Zemmour le faisait lors de l’élection présidentielle.
Les candidats consacrent en fait beaucoup d’énergies à simplement critiquer, parfois de manière très agressive, d’autres leaders sur des dimensions politiques strictement nationales.
Une bonne trentaine de listes devraient se présenter en France car il est très facile pour un petit mouvement de déposer une candidature (puisqu’il suffit de trouver 81 postulants). Certaines de ces listes défendent une thématique très éloignée des enjeux européens, d’autres expriment une tendance minoritaire d’un courant plus important, notamment chez les écologistes.
Quelles catégories sont plus intéressées par les élections éuropéennes?
Quel est le rapport entre les enjeux nationaux et les enjeux européens?
Les abstentionnistes « dans le jeu politique » sont souvent jeunes, diplômés et plutôt favorisés quant aux conditions de leur insertion sociale. Ils déclarent par ailleurs d’intéresser à la politique, et peuvent même se déclarer proche d’un parti politique. Ils s’abstiennent sans qu’il s’agisse d’une désaffection politique et se remettent à voter dès qu’ils peuvent à nouveau se reconnaître dans l’offre électorale proposée. Leur abstention est le plus souvent intermittente. Cet abstentionnisme correspond à un nouveau type d’électeur, plus mobile, plus affranchi des modèles d’identification partisane, relativement critique et exigeant à l’égard de l’offre politique, et pouvant utiliser l’abstention au même titre que le vote pour se faire entendre et peser sur l’élection. Les abstentionnistes « hors du jeu » politique se distinguent par un retrait de la politique, et par une certaine apathie. On les retrouve en plus grand nombre au sein des couches populaires, disposant d’un faible niveau d’instruction, parmi des catégories en difficulté d’insertion sociale, ainsi que dans les populations urbaines. […] Ces absents plus constants de la scène électorale ne se reconnaissent pas dans le jeu politique, ils ont trop de problèmes individuels pour investir la scène collective, et se sentent incompétents. […] Seule l’augmentation significative de l’abstention « hors – jeu » marquerait une vraie crise de la
démocratie. Mais l’abstention « dans le jeu », qui est intermittente et politique est, au contraire l’expression d’une certaine vitalité démocratique.
Source: Anne Muxel, « Absention : défaillance citoyenne ou expression démocratie ? », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 23, février 2008
Question: Distinguez abstentionniste « hors jeu » et abstentionniste « dans le jeu ».
Question: En quoi l’abstention est – elle une forme d’engagement politique ?
Cent vingt ans après le vote de la loi de 1884 sur les syndicats professionnels, il semblerait que le projet des promoteurs de cette loi prenne tardivement quelque réalité. Dans son esprit, cette loi libérale devait aussi favoriser « la paix et la conciliation sociales », « substituer le dialogue à l’affrontement » et faire « diminuer progressivement l’antagonisme entre le capital et le travail ». En effet, au cours des dernières années, les syndicats français ont bien changé. Leur référentiel – du moins ce qu’on peut en savoir à travers le discours des dirigeants, les prises de position des organisations ou les motions de congrès – a subi une véritable révolution. L’élément le plus significatif est certainement la disparition du paradigme de la
classe ouvrière » et l’abandon des mots « luttes » ou « travailleur » ; le propos est maintenant centré sur les « salariés », leurs « attentes » et leurs « revendications ». De même, en ce qui concerne le répertoire d’action, la négociation occupe effectivement la première place, alors que la propagande, la mobilisation et les grèves sont passées au second plan. Cette révolution s’est réalisée dans une phase de déclin continu des organisations syndicales : échec répété de grandes mobilisations, faiblesse de l’action revendicative, déclin de la participation aux élections professionnelles, perte de confiance dans l’opinion et recul continu de la syndicalisation . Ces évolutions, apparemment contradictoires, interpellent le politiste et suggèrent un examen critique de certains cadres d’analyse, notamment ceux portant sur les
Question: Quelles sont les différences entre les deux modèles?
Question: Comment interpréter l’image du timbre et du post-it?
Question: Le modèle traditionnel disparaît-il au profit du modèle distancié ?
Un salarié sur dix seulement adhère à un syndicat en France. Le taux a chuté de 30 % à 17 % dans les années 1950, il est ensuite resté assez stable jusqu’à la fin des années 1970, puis a dégringolé à nouveau pour atteindre 10 % au début des années 1990 selon les estimations du ministère du Travail. Depuis, le taux est resté à peu près au même niveau, autour de 10,1 % en 2019.
Les écarts de taux de syndicalisation sont très grands selon les secteurs d’activité et les entreprises. Dans le secteur privé, ce taux est de l’ordre de 8 %, contre 18 % dans le secteur public, selon le ministère du Travail 1. La proportion ne serait que de 5 % dans les entreprises de moins de 50 salariés et encore très inférieure dans celles encore plus petites. Cette faiblesse constitue un lourd handicap en matière de dialogue social : la négociation s’en trouve déséquilibrée ; les accords passés ont une légitimité moindre que dans les pays où plus de la moitié des salariés adhèrent à une organisation syndicale.
L’avenir du syndicalisme en France dépend de nombreux facteurs. Après l’effondrement industriel, les syndicats arriveront-ils à conquérir les services ? La tâche, de long terme, n’est pas facile du fait de la plus faible taille en moyenne des établissements, mais pas impossible. Le ministère du Travail note par exemple que le taux de syndicalisation a nettement augmenté dans le privé dans le secteur des activités financières et d’assurance, de 12 % à 16,9 %. Il a aussi progressé – même s’il part de très bas – dans le secteur de l’hébergement et la restauration, de 4,1 % à 5,9 %. Dans la fonction publique, le taux de syndicalisation a augmenté de 32,2 % à 36,5 % dans la police. Certains grands conflits sociaux, comme le débat autour de la loi sur les retraites de 2023 peuvent aussi permettre de recruter de nouveaux adhérents. La baisse du chômage fait évoluer le rapport de force de manière plus favorable aux représentants des salariés face aux directions d’entreprises. Une partie de la réponse est dans la capacité des syndicats eux-mêmes à proposer des programmes et des
modes d’action adaptés aux évolutions de la société et qui parlent en particulier aux jeunes générations.
Comment a évolué l’implication associative entre 2010 et 2023?
Nombreux·euses sont les citoyennes et citoyens engagé·e·s pour le climat ! En France, Camille Etienne est rapidement devenue le symbole des jeunes générations qui, partout dans le monde, élèvent leur voix et agissent pour alerter sur l’urgence climatique.
Selon vous pourquoi est-ce que les jeunes s’impliquent dans les associations?
Le consommateur est-il devenu un nouvel arbitre des rapports économiques? Peut- il faire pression sur les entreprises? Si oui, comment? Ces questions se posent à l’heure où les consommateurs sont de plus en plus mobilisés pour soutenir, par leurs achats ou leurs modes de vie, des causes plurielles telles la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, le bien-être ani mal, le développement économique des producteurs
agricoles ou la protection des travailleurs. La consommation engagée renvoie à l’idée que nos choix peuvent aller au-delà de nos désirs, nos envies, pour prendre en compte des objectifs collectifs. La consommation devient alors raisonnée par des principes éthiques, sociaux ou politiques et non plus seulement en vertu des intérêts individuels. Mais en réalité, cet engagement est le produit d’un travail déployé par des associations de la so ciété civile, et dans une moindre mesure par les pouvoirs publics, afin de construire la réflexivité des consommateurs, de les rendre conscients des dangers qui menacent la collectivité mais aussi de leur propre responsabilité dans l’évolution des fonctionnements économiques qui en sont à l’origine.
Source: Sophie Dubuisson-Quellier www.sciencepo.fr Novembre 2018
La résistance des colons américains aux importations de produits britanniques […] constitue l’une des premières formes de mobilisation de consommateurs connue. Ces réactions donnèrent lieu à diverses manifestations dont la plus célèbre fut la campagne de 1773 contre le thé anglais, appelée « Tea Party », lors de laquelle des colons jetèrent une cargaison anglaise de thé dans la baie de Boston. Le boycott de masse a joué un rôle important dans la construction de la nation américaine, permettant l’édification d’une identité commune contre l’occupant anglais. […] Mais c’est véritablement au 19ème siècle que naissent les premières mobilisations de consommateurs d’envergure. Aux Etats-Unis, les mouvements anti-esclavagistes, en rejetant les produits fabriqués par des esclaves et en encourageant la vente de produits issus du travail libre, fournissent le cadre d’une mobilisation des consommateurs dès les années 1820. […] Le mouvement cherche du côté des consommateurs un relais efficace pour aider à la construction des droits humains et citoyens des esclaves. Le principe d’un pouvoir économique des consommateurs est envisagé pour faire pression sur ceux qui tirent avantage du maintien de l’esclavage. […] C’est à partir des années 1990 que les mouvements de protection de l’environnement se sont adressés aux consommateurs pour tenter de donner de l’écho à leurs luttes, notamment à travers des appels au boycott. Par exemple, le Rainforest Action Network organise un retentissant appel au boycott à la fin des années 1990 aux Etats-Unis contre le distributeur de matériels de bricolage Home Depot pour l’inciter à cesser ses achats de bois auprès de forêts en danger. L’entreprise prend alors des engagements et adopte une politique d’approvisionnements de produits en bois certifié. Car la construction de labels et de certification environnementales devient rapidement l’autre versant de l’action des mouvements environnementalistes. Les démarches de certification permettent de favoriser la mise en place des filières respectueuses de l’environnement et l’orientation de la consommation vers des produits plus écologiques. Par exemple, en 2009, Greenpeace publie un guide qui identifie les différentes marques proposant des mouchoirs et serviettes en papiers fabriqués avec des fibres recyclées certifiées. Un autre guide permet d’aider les consommateurs à identifier les poissons qui peuvent être consommés sans risque d’épuisement des ressources halieutiques. […] Le collectif [de l’Ethique sur l’Etiquette – ESE] a été créé en 1996 après le lancement en 1995 par la Fédération Artisans du Monde, qui rassemble des associations de commerce équitable, d’une campagne intitulée « libère tes fringues », objet d’une important médiatisation. Il réunit, outre la fédération Artisans du Monde, des syndicats de travailleurs, des ONG et des associations de consommateurs mobilisés pour agir en faveur du respect des droits de l’homme au travail dans le monde, chez
les fournisseurs et sous-traitants d’entreprises commercialisant des vêtements, articles de sport et jouets. Plusieurs campagnes cherchent à alerter les consommateurs du Nord sur les conditions de travail des salariés pauvres du Sud. S’appuyant sur le pouvoir d’indignation des consommateurs, répertoire classique de l’action militante pour les droits de l’homme, le collectif ESE s’attache à établir des liens de causalité directe entre justice sociale et choix de consommation. Des listes noires d’entreprise sont établies, à partir de la publication de rapports qui mettent au jour les performances sociales des entreprises de secteurs ciblés pour leurs pratiques non éthiques, comme dans la fabrication de jouets et de vêtements de sport. Trois critères sont retenus : les engagements, les pratiques et la transparence an matière de justice sociale et de droit du travail.
Source: Sophie Dubuisson-Quellier, La consommation engagée, Presses de Science Po – Contester, 2018
Question: Qu’est-ce que c’est la consommation engagée?
Question: Pourquoi peut-on dire que la consommation engagée est un acte militant?
Question: Donnez d’autres exemples de consommation engagée.
11.2. Le Paradoxe de l’action collective et ses solutions
Qu’est-ce qui motive son engagement et pourquoi accepte-t-il les coûts que sa participation peut induire (en termes d’investissement temporel, financier, voir physique…)? La réponse peut sembler de prime abord évidente : un individu se mobilise car il est mécontent de sa situation personnelle, de l’état de la société, et qu’il estime pouvoir changer les choses en s’engageant. Il y aurait donc un lien de causalité entre la condition de l’individu et sa participation à la mobilisation. Pourtant, ce lien est loin d’être évident. C’est ce que démontre Mancur Olson dans un ouvrage paru en 1965 et qui va avoir une influence considérable sur la sociologie des mouvements sociaux. Olson recentre sa perspective sur l’individu et sur sa décision de participer ou non à l’action collective. Cet individu est considéré comme « rationnel », c’est-à-dire qu’il prend la décision d’agir ou non en évaluant les bénéfices et les coûts que la participation représente pour lui. Or, si l’on part de ce postulat, le raisonnement d’Olson aboutit à une conclusion apparemment surprenante : même si un individu est mécontent de sa situation, la solution la plus rationnelle pour lui est de ne pas participer à la mobilisation. Pour comprendre ce raisonnement, il faut d’abord préciser que, selon Olson, une mobilisation produit des biens collectifs, c’est-à-dire des avantages qui s’appliquent à l’ensemble d’un groupe sans exclusive (exemple : une grève réussie aboutira à une hausse de salaire pour tous les ouvriers de l’usine), et sans considération de la participation (ou non) de chaque individu à l’action collective qui a produit le bien collectif. Un individu au sein de ce groupe, bénéficiera des retombées positives de la mobilisation, qu’il y ait participé ou non. La participation à la mobilisation n’apporte donc pas à priori plus de bénéfices que la non-participation; en revanche, elle induit des coûts (temporels, financiers, physiques) qui peuvent être importants pour l’individu. Celui-ci va donc choisir « rationnellement » la solution qui maximise ses bénéfices sans augmenter ses coûts, à savoir la non participation, appelée stratégie du « passager clandestin » (free rider) par Olson. Si chaque individu tient le même raisonnement isolément, toute mobilisation devient impossible. Et pourtant, l’observation démontre le contraire : il y a bien des mobilisations et donc des décisions de participer. Olson élabore alors deux solutions à ce paradoxe apparent.- tout d’abord, selon Olson, la taille du groupe où s’enclenche la mobilisation a une influence importante sur la décision de participer ou non : plus le groupe est de petite taille, plus la non participation d’un individu sera « visible » et plus il sera susceptible de subir la pression du groupe pour participer à la mobilisation; inversement, au sein d’un groupe de grande taille, cette décision de retrait sera moins visible .- ensuite, et surtout, Olson résout le paradoxe en construisant le concept d’« incitation sélective », qui désigne un système d’avantages utilisé par les organisateurs de la mobilisation afin d’inciter les individus à participer. La fourniture de biens, de service, l’assistance juridique… sont des exemples
Question: Quel problème soulève le paradoxe d’Olson?
Question: Est-ce que selon ce paradoxe l’engagement politique aurait-il lieux? Pourquoi?
Question: Comment expliquer la participation d’un individu à une mobilisation?
Question: Qu’est ce qu’une incitation sélective ?
Question: Donnez des exemples pour le militantisme
Question: En quoi permettent – elles d’expliquer que les individus s’engagent ?
Les militants retirent bel et bien diverses satisfactions de leur engagement. Ces composantes sensibles de leur activité peuvent être analysées comme des mécanismes de « récompense », ou, pour mieux dire, comme des rétributions de l’implication dans les activités d’un mouvement collectif. […] Leur engagement leur procure diverses satisfactions qui contribuent elles-aussi à soutenir, voire à renforcer, leurs dispositions à l’investissement dans l’action collective. Le sentiment de ne pas subir, d’agir en faveur d’une juste cause, de transformer ou de pouvoir transformer la réalité, parfois de faire l’histoire, donne ou conforte des raisons de militer. […] L’engagement militant peut donner l’occasion d’exercer des rôles sociaux gratifiants et contribuer à l’affirmation et à la valorisation de soi. Certains y trouvent des revanches contre les expériences de désinsertion familiale, de précarité, de chômage ou de marginalisation. L’expérience militante et le capital de relations constitué à cette occasion (de façon délibérée ou pas) peuvent aussi faciliter l’insertion sur le marché du travail ou des reconversions. […] Pour les plus investis, le militantisme est encore un espace de sociabilité, d’intégration, d’amitié, parfois de vie amoureuse, de convivialité et de loisir. Il peut avoir un parfum d’aventure rompant les routines de la vie courante. Il donne par exemple quelques frissons quand il faut coller des affiches de nuit sous la menace de groupes adverses ou, dans un autre domaine, quand des bénévoles doivent assurer une mission dans des pays en proie à la guerre civile. Dans le cas des intellectuels, le militantisme donne des titres à intervenir dans les débats publics, des accès à des tribunes […].
Source: Daniel Gaxie, « Les rétributions du militantisme », Politika, 3 novembre 2017.
Illustrer – Surlignez dans le texte les différentes formes de « rétributions symboliques » que les militants peuvent recevoir pour leur engagement.
Définir – relevez la définition du texte « d’incitations sélectives »
Comparer – Comparez le concept de « rétributions symboliques » à celui d’ « incitations sélectives ». Quels sont les points communs ? Les différences ?
Définir – relevez la définition du texte « d’incitations sélectives »
11.3 Les déterminant de l’engagement politique: les variables socio-démographiques
Document : Le cybermilitant est encore plus diplômé que le militant traditionnel
La politologue Anaïs Theviot constate que l’usage du numérique n’a pas permis d’enrayer la baisse du nombre d’adhésions aux partis de gouvernement. L’usage du numérique n’a pas permis d’enrayer la baisse du nombre d’adhésions aux partis de gouvernement (elles ont été divisées au moins par deux depuis 2006 au Parti socialiste comme à l’UMP, devenu LR). D’autre part, le profil sociologique des militants n’a pas beaucoup évolué. Dans l’enquête que nous avons menée en 2012 auprès des cybermilitants de l’UMP et du PS, ces derniers apparaissaient très diplômés : 38 % étaient titulaires d’une licence et/ou d’un master au PS, 39 % pour l’UMP et 14 % avaient fait leur cursus au sein d’une grande école et/ou une thèse. De façon plus globale, 70 % des cybermilitants socialistes étaient diplômés du supérieur, 65
des cybermilitants UMP, contre 28 % seulement des Français (chiffre de 2009). Le cybermilitant est encore plus diplômé que le militant « traditionnel », qui lui-même est surdiplômé par rapport à la population française
Source: Anaïs Theviot, Le monde, 21 Avril 2017
Question : Quels avantages peut procurer le diplôme pour un militant?
Un engagement politique influencé par l’âge ou la génération? Plus critiques, moins déférents quant à leur devoir d’électeur, ils sont aussi plus protestataires. Les jeunes sont comme un miroir grossissant, constate Anne Muxel, sociologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), qui laboure ce terrain depuis plus de vingt ans. Ils sont porteurs de leur temps, et ils ont été socialisés dans une période qui est elle-même en profonde mutation. Tout ce que l’on observe dans l’ensemble de la population (abstention, défiance, montée des populismes, mobilité électorale, demande de démocratie directe) se retrouve donc amplifié dans la jeunesse. Les générations plus âgées ont été socialisées à la politique dans une période ou partis et syndicats étaient beaucoup plus structurants, avec une orientation idéologique plus marquée, explique-t-elle. Des citoyens politisés autrement, plus critiques mais engagés : c’est aussi ce qui ressort de l’enquête « Génération What? », une consultation de grande ampleur dont le CNRS a publié les résultats en décembre 2016. L’engagement dans une organisation politique ne les attire guère : seuls 32 % se disent éventuellement intéressés. Mais ils sont une majorité (54 %) à affirmer qu’ils ne pourraient pas être heureux sans voter, et près des deux tiers d’entre eux (62 %) déclarent pouvoir participer demain ou dans les prochains mois à un grand mouvement de révolte. Si le recours aux moyens d’action protestataires a globalement augmenté dans l’ensemble de la population (en 1981, a peine une personne interrogée sur deux disait avoir pris part a une manifestation ou pouvoir le faire, contre 71% en 2008), cette tendance est particulièrement marquée dans les jeunes générations. Pétitions, boycotts, manifestations, voire occupations de lieu : les enquêtes le montrent, plus les citoyens sont jeunes, plus ils considèrent ces moyens d’action comme des manières normales de s’exprimer en politique.
Source: Catherine VINCENT, « Les jeunes et la politique : génération citoyenne, génération protestation », Le Monde, 23 février 2017.
Question : Qu’est-ce qui distingue la socialisation politique des jeunes générations par rapport aux générations précédentes? Le niveau d’abstention plus élevé chez les jeunes est-il dû à leur âge ou à leur génération? Quelles sont les formes d’action privilégiées par les jeunes pour s’engager?
Source : Vingt ans de participation électorale, Élisabeth Algava, Kilian Bloch, INSEE première, No 1929, INSEE 2022
Comment a évolué la participation électorale des jeunes de 18-29 ans du milieu urbain entre 2002 et 2022 ?
Question: Utilisez les données pertinentes pour illustrer les différences entre les hommes et les femmes sur la représentation en politique.
Question: Qu’est ce qui explique que les femmes ont tendance à moins s’investir dans la politique et les actions collectives que les hommes?
Question: Pour quelles raisons les différences d’engagement entre hommes et femmes tendent à s’estomper ?
IV. La diversité des objectifs, de acteurs et de leurs répertoires
Le rôle des associations: Amnesty international
En 1961, indigné par la condamnation de deux étudiants portugais à sept ans de prison pour avoir porté un toast à la liberté en pleine dictature Salazar, l’avocat britannique Peter Benenson lance un appel dans l’hebdomadaire The Observer. Intitulé « Les prisonniers oubliés », cet article présente les cas de 6 personnes emprisonnées pour « dissidence » et lance un appel à l’amnistie. C’est notre premier combat. Cette campagne obtient un succès inespéré ; elle est reprise dans les journaux du monde entier et témoigne que des personnes peuvent s’unir pour, solidairement, défendre la justice et la liberté. C’est notre première victoire. Amnesty International est née.
Ensemble, nous changeons des vies, nous changeons des lois. Depuis plus de soixante ans, nous avons remporté de nombreuses victoires. Pour la liberté, pour la dignité, pour la justice. Chaque pétition, chaque lettre, chaque partage, chaque don, chaque action nous rapproche toujours un peu plus de la prochaine victoire.
Ces dernières années, nous avons par exemple contribué :
à la libération de centaines de personnes injustement emprisonnées ;
à l’abolition de la peine de mort au Burkina Faso, et dans l’État de Washington ;
à la dépénalisation de l’homosexualité en Inde ;
à l’adoption d’une loi qui protège les victimes de torture en temps de guerre en Bosnie-Herzégovine ;
à l’abrogation d’un article dans la constitution irlandaise qui interdisait l’avortement ;
à la fin du visa de sortie pour les travailleurs migrants au Qatar, qui les empêchait de quitter le pays sans la permission de leur employeur ;
à l’adoption d’une résolution au Parlement européen sur l’interdiction des “ robots
tueurs”.
Rien n’est plus exaltant, plus palpitant, qu’une victoire. Le goût de la victoire nourrit notre envie de gagner, encore et encore. Il nous emmène vers la prochaine, qui nous donnera l’énergie pour la suivante…
On se bat ensemble, on gagne ensemble.
Source: https://www.amnesty.fr/qui-sommes-nous
Question : En absence des associations de telles actions auraient-elles étaient possibles ?
Pourquoi ?
Question : Donnez d’autres exemples des actions collectives menées par les associations.
Document : Ensuite, en dehors des rencontres électorales, les jeunes développent des formes d’engagement multiples. Là encore, un certain nombre de chercheurs et chercheuses ont pu mettre en évidence des évolutions dans les manières dont les jeunes s’engagent aujourd’hui. Dès les années 1990, Jacques Ion avait souligné une prise de distance vis -à-vis des modes classiques de représentation politique à travers le vote, l’adhésion à un parti politique, à un syndicat ou encore à une association nationale, et avait insisté sur l’émergence de ce qu’il a appelé des formes d’engagement « Post-it », plus réversibles, en pointillé et marquées par des exigences du point de vue de la délégation de la parole.
Grande diversité des engagements
Plus récemment, Sarah Pickard a proposé la notion de « Do it yourself politics » pour qualifier les comportements politiques des jeunes. Selon elle, ces derniers développent de nouvelles conceptions dans lesquelles l’engagement devient composite et multiforme dans la mesure où la même personne peut à la fois s’engager dans la sphère privée (en pratiquant la réduction des déchets par exemple) et au local (en adhérant à une association de son territoire) tout en militant à l’échelle nationale pour une cause particulière et en signant des pétitions internationales sur des sujets devenus globaux comme #Metoo, Black lives matter ou encore Fridays for Future.
Par ailleurs, il est possible d’insister sur le fait que l’engagement des jeunes peut s’exprimer
la fois dans une certaine proximité avec les institutions, car les jeunes s’impliquent dans les dispositifs de participation promus par les pouvoirs publics (qu’il s’agisse de Conseils de jeunes, du Service civique ou bien des bourses de soutien aux projets de jeunes) ou bien totalement en marge des pouvoirs publics ou encore en opposition avec ces derniers.
Dans une recherche européenne récente sur l’engagement des jeunes au niveau local en Europe, nous avons ainsi eu l’occasion de montrer la grande diversité de ces formes d’engagement dans les domaines de l’écologie, de l’accueil des personnes exilées, de la lutte contre la précarité ou bien encore pour la défense des personnes LGBTQ. Si, dans certains cas, peu fréquents, les responsables politiques s’appuient sur ces mouvements, dans la vaste majorité des cas, ils et elles ont tendance à les mettre de côté ou à simplement ne pas les considérer comme des formes d’expression politique.
Pourtant, les mobilisations de jeunes peuvent parfois jouer des rôles tout à fait importants alors même que les pouvoirs publics refusent de s’impliquer. C’est singulièrement le cas pour les personnes exilées déboutées du droit d’asile où la solidarité déployée par les jeunes vient pallier l’absence d’intervention publique.
La thématique des nouveaux mouvements sociaux (NMS) est inséparable des mobilisations contestataires qui naissent à la fin des années 1960. Le combat pour les droits des Noirs américains et la montée des revendications écologistes (préservation de l’environnement), régionalistes, féministes (promotion des droits et intérêts des femmes), étudiantes ou encore homosexuelle semble augurer, pour certains observateurs, une période caractérisée par l’émergence d’enjeux relativement spécifiques. La plupart des analystes des NMS s’accordent pour identifier plusieurs dimensions d’une rupture avec les mouvements « anciens », symbolisés par le syndicalisme (1) , le mouvement ouvrier. Les formes d’organisation et répertoires d’action matérialisent une première singularité. En rupture avec
le fonctionnement des structures syndicales, les NMS manifestent une défiance explicite devant les phénomènes de centralisation (…). Leurs structures sont plus décentralisées, laissent une large autonomie aux individus. (…). Les NMS se singularisent aussi par une inventivité dans la mise en œuvre de formes peu institutionnalisées de protestation (sit-in (2) , occupation de locaux, grèves de la faim), leur adjoignant souvent une dimension ludique (…). Les mouvements sociaux classiques portaient avant tout sur la redistribution des richesses. Les NMS mettent l’accent sur la résistance au contrôle social, l’autonomie. Plus qualitatives, leurs revendications sont souvent non négociables : une demande de fermeture de centrale nucléaire ou d’abrogation des lois contre les homosexuels se prête moins à compromis qu’une revendication salariale. Ces revendications comportent une forte dimension expressive, d’affirmation de style de vie ou d’identités comme le suggère un terme comme gay Pride. Dans les mouvements sociaux de la période 1930-1960, (…) la conquête du pouvoir d’Etat, constitue un enjeu central. La valorisation de l’autonomie modifie radicalement les objectifs. Il s’agit désormais moins de défier l’Etat ou de s’en emparer que de construire contre lui des espaces d’autonomie, de réaffirmer l’indépendance des formes de sociabilité privées. La nouveauté de ces mouvements sociaux serait enfin liée à l’identité de leurs acteurs. Les mouvements de la société industrielle (3) se revendiquaient d’identité de classe. Ne parlait-on pas de mouvement ouvrier, de front populaire ? Les nouvelles mobilisations ne s’autodéfinissent plus comme expression de classes sociales. Se définir comme musulman, homosexuel ou antillais (…) tout cela renvoie à d’autres principes identitaires. »
Source : D’après « Sociologie des mouvements sociaux », E. Neveu, 6ème éd, La Découverte, coll. Repères, 2019, pp 60-62.
Syndicalisme : « Le syndicalisme désigne à la fois l’action collective dans la sphère du travail et les organisations qui se donnent pour objectif la défense des personnes ayant un intérêt personnel commun. » (Dictionnaire des mouvements sociaux).
Sit-in : « Mode d’action impliquant une ou plusieurs personnes dans l’occupation non violente _ assise, couchée ou debout_ d’un espace pour protester en faveur d’un changement (…) jusqu’à ce qu’elles soient délogées, généralement de force, ou que leurs revendications aient été satisfaites ». (Dictionnaire des mouvements sociaux).
Société industrielle : Dans ce document, le concept de société industrielle correspond aux sociétés dominées par l’opposition entre le travail et le capital, où le conflit central se situe dans l’entreprise.
Question : Que sont les nouveaux mouvements sociaux ?
Question : Quel type d’engagement politique est adopté par les jeunes ?
Question :Quel lien peut on faire entre l’apparition de ces mouvements et l’individualisme ?
Question :Qu’est ce qui les distingue des conflits classiques ?
Question :En quoi contribue – il à faire décliner les conflits liés au travail ?
Expliquer – Qui sont les Gilets jaunes de ce reportage ? Comment sont-ils organisés ?
Expliquer – Quelles sont leurs revendications ? Sont-elles matérialistes ou « post-matérialistes » ?
Comparer – Quel est leur répertoire d’action ? Comparez-le avec le répertoire d’action « traditionnel » des conflits du travail.
Expliquer – Quelles ont été les mesures prises par le pouvoir politique suite à ce mouvement ?
Document: De la révolte des Gilets jaunes à la vague féministe post-#MeToo, les outils numériques sont devenus des leviers incontournables des luttes sociales et syndicales. Sur les réseaux sociaux, les photos et vidéos d’Extinction Rebellion ou de ReAct font le buzz et relaient les mobilisations.
Ces dernières années, les exemples de mouvements sociaux ou de soulèvements populaires déployés grâce aux possibilités de connexions qu’offre Internet se sont multipliés. Dans son remarquable ouvrage Twitter & les gaz lacrymogènes, la chercheuse et activiste turque Zeynep Tufekci montre que l’usage des outils numériques et leur démocratisation (applications, réseaux sociaux…) permettent non seulement d’atteindre rapidement une masse critique de citoyens agissants mais en a fait des alliés incontournables des luttes actuelles.
En l’espace de quelques semaines, le mouvement des Soulèvements de la Terre, menacé dedissolution sur décision du ministère de l’Intérieur, a rassemblé plus de 90.000 soutiens, notamment grâce aux milliers de partages sur les réseaux sociaux. Des relais qui ont permis de faire converger le 25 mars sur le terrain à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, près de
30.000 personnes venues pas seulement de France mais de toute l’Europe pour s’opposer au projet de méga-bassine.
Les médias numériques améliorent la visibilité d’une cause, mais ils créent aussi une communauté, un sens de la camaraderie, explique Zeynep Tufekci dans son essai. Ils permettent à un mouvement de dépasser l’espace du site d’occupation en créant un sentiment d’appartenance : on peut se sentir zadiste sans terres à défendre, se revendiquer d’Occupy Wall Street sans être américain…
L’exemple le plus marquant en France est bien sûr celui des Gilets jaunes : le 26 décembre 2018, un mois après l’explosion du mouvement social, le compteur officiel des Gilets jaunes revendiquait sur Facebook 2 861 133 membres. Une sphère publique connectée devenue rapidement une ressource capable de se mobiliser, la colère et l’indignation en ligne se transformant en démonstration de force dans la rue, avec l’occupation visuellement spectaculaire de l’Arc de triomphe, le 1er décembre 2018.
« Internet change la nature des mobilisations, observe Divina Frau-Meigs, professeure émérite à la Sorbonne et spécialiste de la communication. Le mouvement des Gilets jaunes, c’est grâce aux médias sociaux. Des gens désaffectés du politique, qui pensaient qu’ils n’avaient pas d’impact, se disent qu’ils peuvent agir à leur mesure. L’horizontalité, le sentiment de proximité – ce que j’appelle le “contrat de partage” –, ressensibilisent au politique, redonnent de la confiance et le goût de l’engagement. »
Retwitté c’est gagné
Ces outils connectés, les structures militantes – ONG, associations, syndicats, partis politiques… – les ont progressivement intégrés et en ont fait des leviers pour agir. En 2020, pour construire le collectif McDroits et développer en France sa campagne contre le harcèlement sexuel qui a fait plier le géant McDonald’s, l’ONG ReAct Transnational a d’abord lancé un appel aux témoignages en ligne sur Facebook.
« En quelques mois, on a récolté plus de 200 témoignages. Ça a été un gros moteur de prise de conscience », relate Sophie Strauss-Jenkins, chargée de l’innovation syndicale chez ReAct. Inspirés du mouvement des colleuses, les membres du collectif McDroits se sont alors associés à des militants CGT pour placarder ces témoignages sur le siège social français, en envoyant sur la sphère connectée des photos de leur action. Résultat : 30 000 retweets à la clef en une seule journée. « Quand McDo a vu ça, ils ont eu tellement peur qu’ils ont envoyé quelqu’un en bas de l’immeuble pour négocier avec nous », relate la membre de ReAct.
C’est aussi par le biais d’actions relayées sur les réseaux sociaux que le mouvement de désobéissance civile Extinction Rebellion popularise ses luttes. « Notre mode d’action, c’est “l’artivisme”. On capte l’attention des médias avec des belles actions ou des choses spectaculaires. On capture l’imaginaire du public afin de mobiliser des gammes d’émotions et dérouler une narration », explique Erwan, chargé des réseaux sociaux d’Extinction Rebellion (XR).
Pour mener la campagne contre la « réforme » des retraites, l’intersyndicale a décidé de s’emparer du numérique avec le lancement sur Twitter de hashtags communs (#grève7mars), ainsi qu’avec des kits de contenus partageables en ligne, à l’image de l’affiche « On est la CGT! » téléchargeable en accès libre pour le 1er mai. « Les stratégies sur les réseaux sociaux permettent un gain de temps et d’efficacité pour les syndicats. C’est aussi dans les luttes que la créativité apparaît », estime Damien Ramage, anciennement responsable communication de l’Ugict-CGT (devenu directeur de la communication de la CGT).
En témoigne le buzz sur TikTok du refrain « On est la CGT » destiné à ambiancer les manifestations et popularisé par un cheminot DJ à Paris. Repris sur le réseau social par des jeunes de tous horizons, ce chant de cortège est devenu un véritable hymne.
la pointe du militantisme connecté, l’Ugict-CGT a quant à elle développé de nombreux outils mis à disposition de ses militants. L’organisation a notamment créé Syndicoop.info, une plateforme syndicale coopérative de services. « On y propose des outils de renforcement et on cherche à enrichir l’activité syndicale grâce au numérique, notamment en partageant les bonnes pratiques et en favorisant l’entraide. Ainsi, on explique comment créer un syndicat, monter une campagne, on met à disposition des tracts modifiables… », détaille Caroline Blanchot, secrétaire nationale de l’Ugict chargée de la vie syndicale.
L’organisation, très présente sur les réseaux sociaux, utilise le numérique à la fois pour propager ses idées mais aussi pour se déployer dans les déserts syndicaux.
« Il y a encore trop de camarades qui pensent que si l’on est sur les réseaux sociaux, on n’est pas sur le terrain. Non seulement cela ne s’oppose pas, mais l’un enrichit l’autre. Si chaque organisation avait un compte LinkedIn et Twitter, cela faciliterait notre présence sur le terrain », Caroline Blanchot, secrétaire nationale de l’Ugict en charge de la vie syndicale.
Et pour son camarade Damien Ramage, il existe des stratégies de contenus propres à chaque réseau social. « On pousse nos militants à utiliser LinkedIn, car c’est un espace dédié au travail où l’on retrouve des collègues. Mais Twitter permet de toucher les journalistes, les politiques… Et sur Instagram, il y a aussi une dimension militante, avec la possibilité d’atteindre les plus jeunes. Il faut démultiplier les canaux et s’assurer de parler le même langage que notre cible », détaille le communiquant de la CGT. Ce qui demande du temps et des moyens.
« On s’est battu par le passé pour des locaux et du temps syndical, il y a maintenant urgence à négocier des moyens technologiques pour les syndicats », conclut ce dernier. À l’ère des combats connectés, la maîtrise du numérique et des stratégies digitales s’impose en effet comme un incontournable dans la bataille des idées.
Savoir décrire les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis le début du XXe siècle et savoir expliquer que les inégalités économiques et sociales présentent un caractère multiforme et cumulatif.
Savoir interpréter les principaux outils de mesure des inégalités, statique (rapport inter-quantiles, courbe de Lorenz et coefficient de Gini, top 1%) et dynamique (corrélation de revenu parents- enfants).
Savoir expliquer que les différentes formes d’égalité (égalité des droits, des chances ou des situations) permettent de définir ce qui est considéré comme juste selon différentes conceptions de la justice sociale (notamment l’utilitarisme, le libertarisme, l’égalitarisme libéral, l’égalitarisme strict).
Savoir expliquer que l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale (fiscalité, protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations) s’exerce sous contrainte de financement et fait l’objet de débats en termes d’efficacité (réduction des inégalités), de légitimité (notamment consentement à l’impôt) et de risque d’effets pervers (désincitations).
Plan du cours
Comment rendre compte de la dynamique des inégalités économiques et sociales ?
Les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis le début du XXe siècle
Le caractère multiforme et cumulatif des inégalités économiques et sociales
Quels sont les principes de justice permettant de considérer collectivement certaines inégalités comme justes ou injustes ?
Les différentes formes d’égalité : égalité des droits, des chances et des situations
Que souhaite-t-on égaliser ? Les différentes conceptions de la justice sociale
Par quels moyens les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?
Le rôle de la fiscalité et de la protection sociale
Le rôle des services collectifs
Le rôle des mesures de lutte contre les discriminations
Quelles sont les limites de l’action des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale ?
L’intervention des pouvoirs publics est soumise à des contraintes de financement
L’intervention des pouvoirs publics fait l’objet de débats en termes d’efficacité, de risques pervers et de légitimité
1. Comment rendre compte de la dynamique des inégalités économiques et sociales ?
Les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis le début du XXe siècle
Objectif: Savoir décrire les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis le début du XXe siècle et savoir expliquer que les inégalités économiques et sociales présentent un caractère multiforme et cumulatif.
Sensibilisation
Personne n’aime attendre son tour, mais il suffit parfois de payer pour éviter de faire la queue. On sait depuis longtemps que, dans les restaurants huppés, un coquet pourboire glissé au maître d’hôtel est susceptible de raccourcir l’attente les soirs d’affluence : ces gratifications quasiment identiques à des bakchichs sont remises en
toute discrétion, aucune affichette placardée en vitrine n’annonçant que quiconque consent à donner un billet de 50 dollars au maître des lieux se verra aussitôt proposer une table. Ces dernières années, pourtant, la vente du droit de passer avant les autres est assez sortie de l’ombre pour être déjà devenue une pratique familière. […]
Les parcs d’attraction se sont mis à monnayer le droit de ne plus faire la queue. Naguère encore, les visiteurs des parcs les plus prisés pouvaient languir des heures devant un manège ou un Grand Huit, mais les Universal Studios Hollywood et d’autres parcs à thème proposent désormais de ne pas attendre : pour le double environ du prix d’entrée normal, ils vendent un passe qui propulse en tête de file. […] Certains observateurs mécontents […] regrettent […] que cette pratique sape une coutume salutaire – « Fini le temps où la queue du parc à thème était le grand égalisateur, révolus les jours où toute la famille en vacances attendait démocratiquement son tour ! », a écrit un commentateur.
Il est intéressant de noter que les parcs d’attraction dissimulent souvent les privilèges spéciaux qu’ils mettent en vente pour ne pas risquer d’offenser la clientèle ordinaire, quelques parcs font passer leurs invités de choix par des portes dérobées et des portillons distincts, d’autres allant jusqu’à faciliter la progression des VIP pressées en les faisant partout escorter. Ce besoin de discrétion suggère que les passe-droits payants – même dans les parcs d’attraction – contredisent le sentiment tenace que l’équité implique d’attendre son tour.
Michael J. SANDEL, Ce que l’argent ne saurait acheter, Seuil, 2014
Rendez-vous sur le site des l’Observatoire des inégalités à la rubrique « Outils » / « Niveaux de vie : où en est ma commune ? » (ou cliquez ici).
Sélectionnez les territoires suivants et complétez le tableau ci-dessous (rapport interdécile à calculer) :
. Région (Occitanie) – Département (Tarn) – Commune (Albi)
. Région (Ile de France) – Département (Paris) – Commune (Paris)
. Région (Ile de France) – Département (Hauts de Seine) – Commune (Neuilly s/Seine)
. Région (Ile de France) – Département (Seine Saint Denis) – Commune (Clichy sous Bois)
Niveau de vie mensuel en 2014 (INSEE)
France
Tarn
Albi
Paris
Neuilly-sur- Seine Seine
Clichy-sous– Bois
10 % les plus riches (D9)
Niveau de vie médian (D5)
10 % les plus pauvres (D1)
Rapport interdécile (D9/D1)
Indice de Gini*
Taux de pauvreté **
* Indicateur d’inégalité compris entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité parfaite). Plus l’indice de Gini est élevé, plus les inégalités sont fortes.
** Taux de pauvreté : part des ménages sous le seuil de pauvreté soit un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian
1°) Faites une phrase donnant la signification de D1, D9 et du rapport interdécile pour la France.
2°) A l’aide du rapport interdécile, comparez les inégalités dans le Tarn avec les inégalités en France.
3°) Comparez, avec un coefficient multiplicateur, le taux de pauvreté à Neuilly-sur-Seine (une des communes les plus riches de France) avec le taux de pauvreté à Clichy-sous-Bois (une des communes les plus pauvres de France).
4°) En comparant les situations des quatre communes représentées, quelle relation observe-t-on entre le niveau de vie, les inégalités de niveau de vie et le taux de pauvreté ? Comment peut-on l’expliquer ?
Sélectionnez le rapport interdécile (noté P90/P10) puis le coefficient de Gini et complétez le tableau ci-dessous. Sélectionnez dans le menu « Taux de pauvreté » en supprimant les différentes tranches d’âge et complétez le tableau ci-dessous.
Niveau des inégalités
Pays
Rapport interdécile
Indice de Gini
Taux de pauvreté (en%) *
Inégalités faibles
Danemark
Finlande
Islande
Inégalités moyennes
France
Allemagne
Royaume-Uni
Inégalités fortes
États-Unis
Brésil
Afrique du Sud
* Le taux de pauvreté est ici estimé à 50 % du niveau de vie médian et non à 60 % du niveau de vie médian
4°) Donnez la signification du rapport interdécile au Danemark et en Afrique du Sud et comparez les inégalités entre ces deux pays.
5°) En comparant les différents pays entre eux, peut-on observer un lien entre la richesse des pays et les inégalités de niveau de vie au sein de la population ? Répondez en donnant des exemples de pays.
6°) Quelle relation observe-t-on entre les inégalités de niveau de vie et le taux de pauvreté selon les pays ?
7°) Depuis une trentaine d’années, les études montrent que les inégalités entre les pays développés et les pays en développement tendent à se réduire mais que les inégalités au sein de la population des pays développés et des pays en développement tendent à se creuser. Quelle est, selon vous, l’évolution des inégalités au sein de la population mondiale ?
A quels indicateurs statistiques – le 1%, les 10% et les 50%, correspondent-ils ?
En quoi les documents 1 et 2 donnent-ils une information sur l’importance des inégalités économiques ?
Comment caractériser l’évolution des inégalités économiques entre 1900 et 1980 ?
Montrez que la remontée des inégalités de revenus est plus ou moins forte selon les pays ou régions du monde ?
Savoir interpréter les principaux outils de mesure des inégalités, statiques (rapport inter décile, courbe de Lorenz et coefficient de Gini, top 1%) et dynamique (corrélation de revenu parents-enfants)
Questions
A l’aide des données du document, interprétez les données de 2018
A l’aide des données du document et de vos connaissances, vous montrerez comment les inégalités de revenus ont évolué en France entre 1970 et 2018
Sur le graphique ci-contre, construisez les courbes de Lorenz du patrimoine en France en 2010 et aux États-Unis en 2007.
Que peut-on dire de ces deux courbes par rapport à la droite d’équirépartition ?
Que peut-on en conclure concernant les inégalités de patrimoine en France et aux États-Unis ?
1.2. Le caractère multiforme et cumulatif des inégalités économiques et sociales
Expliquez la relation en complétant les deux schémas d’implication ci-dessous avec les termes suivants : Patrimoine élevé ; Patrimoine faible ; Fort accroissement des revenus ; Faible accroissement des revenus ; Revenus du patrimoine élevés ; Revenus du patrimoine faibles ; Revenus du patrimoine faibles ; Faible capacité à épargner ; Forte capacité à épargner.
2. Quels sont les principes de justice permettant de considérer collectivement certaines inégalités comme justes ou injustes ?
Comprendre que les différentes formes d’égalité (égalité des droits, des chances ou des situations) permettent de définir ce qui est considéré comme juste selon différentes conceptions de la justice sociale (notamment
l’utilitarisme, le libertarisme, l’égalitarisme libéral, l’égalitarisme strict).
2.1. Les différentes formes d’égalité : égalité des droits, des chances et des situations Qu’est-ce que l’égalité ?
En pratique, personne ne revendique l’égalité. Personne n’ose réclamer l’égalité des niveaux de vie, d’éducation, de loisirs, etc. […] Nos sociétés ne recherchent pas l’égalité tout court mais l’égalité «juste» (que certains appellent
«des chances») et ne combattent pas l’inégalité mais l’inégalité «injuste».
Pourquoi ? […] Les ressources demeurent limitées et il faut bien les répartir. En attendant d’atteindre l’abondance, nos sociétés admettent les inégalités et qu’il est «juste» de partager la richesse en fonction des «efforts», du
«travail» ou du «mérite». Si ce n’était pas le cas, il y aurait des grandes chances pour que l’on se heurte au problème de la productiondes richesses, chacun ayant intérêt à laisser l’autre travailler à sa place. […]
A partir de là, le débat sur l’égalité est infini : celui qui estime que les inégalités ne mesurent que des efforts personnels et que le partage est fait de façon équitablen’est pas choqué des écarts qui existent. Au fond, le jugement porté sur leur niveau ne peut qu’être établi à partir de principes moraux, qui font qu’il paraît «injuste» à tous (ou presque) qu’un grand patron touche en un an ce qu’un smicard reçoit en plusieurs siècles.
Louis Maurin, «Pourquoi accepte-t-on les inégalités ?», Observatoire des inégalités, 2003 Les trois types d’égalité
Il existe, en premier lieu, une égalité devant la loi : cela signifie que les mêmes droits et les mêmes contraintes juridiques s’imposent à tous. Dans l’Ancien Régime, cette égalité n’était pas assurée puisque nobles et roturiers ne relevaient pas des mêmes tribunaux et que les premiers étaient dispensés du paiement de l’impôt. (…)
En un second sens, le mot « égalité » renvoie à l’égalité des chances. La société comportant des positions sociales hiérarchisées, tous les individus doivent disposer de chances égales d’accéder aux différentes positions. (…) L’égalité des chances est évidemment compatible avec une grande inégalité des situations.
Dans un troisième sens enfin, l’égalité peut signifier égalité des situations, par exemple une égalité des revenus. Cette égalité apparaît plutôt comme une perspective (aucune théorie de la justice sociale ne met en avant aujourd’hui une égalité parfaite des revenus entre individus), le débat porte, en général, sur le caractère excessif de l’inégalité des situations. L’objectif est alors de réduire l’inégalité des revenus et non de la supprimer. C’est la position défendue par J.-M. Keynes à la fin de la Théorie générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie. Les politiques de redistribution des revenus, de lutte contre la pauvreté s’inscrivent dans cette perspective.
Il ne s’agit pas de choisir entre égalité et inégalité, mais de savoir quelle égalité (ou quel degré d’égalité) on cherche à promouvoir et par conséquent quelles inégalités on accepte, voire quelles inégalités on crée parce qu’il s’agit d’inégalités justes.
Source : A. Beitone, E. Buisson-Fenet, C. Dollo, Economie, Sirey, 2012 (pp. 87-88)
2.2. Que souhaite-t-on égaliser ? Les différentes conceptions de la justice sociale
L’utilitarisme : une société juste est une société qui maximise la satisfaction (dite « utilité ») du plus grand nombre d’individus
Fondé par Jeremy Bentham [1789], baptisé et popularisé par John Stuart Mill [1861], systématisé par Henry Sidgwick [1874], l’utilitarisme (…) se veut une doctrine résolument moderne, humaniste et altruiste. (…) Aucune autorité suprême ne peut décréter ce qui est juste ou bon pour l’humanité ; seuls comptent les états de plaisir ou de souffrance vécus par les êtres humains. (…)
L’utilité y est simplement définie comme l’indicateur de satisfaction des préférences d’une personne, que cette satisfaction se traduise ou non par une expérience de plaisir. Ainsi entendue, la maxime utilitariste prescrit donc de satisfaire, autant que possible, les préférences de tous, quel qu’en soit le contenu (…) Certes, l’utilitarisme est individualiste, au sens où l’intérêt collectif n’est rien d’autre que la somme des intérêts individuels. Mais il est aussi anti-individualiste, au sens où il exige que cet intérêt collectif l’emporte toujours sur l’intérêt particulier de chacun : pas question, par exemple, de reconnaître comme absolu le droit qu’aurait chacun d’user de sa voiture si l’effet global sur le bien-être collectif est négatif. (…)
Source : L’utilitarisme ;Christian Arnsperger, Philippe Van Parijs ; Éthique économique et sociale (2003) Relevez les deux principes à prendre en compte selon les utilitaristes pour se répartir les biens socialement valorisés et aboutir ainsi à une société juste.
Rappelez ce qu’est l’utilité en science économique.
L’utilité y est simplement définie comme l’indicateur de satisfaction des préférences d’une personne, que cette satisfaction se traduise ou non par une expérience de plaisir.
Pour les utilitaristes, quel est le critère qui permet de dire qu’une politique publique est juste ? Si elle accroît le bonheur de plus grand nombre des membres d’une société.
En quoi la conception utilitariste justifie la fin des privilèges d’une minorité ? Pourquoi l’utilitarisme peut-il justifier le sacrifice des minorités ?
il exige que cet intérêt collectif l’emporte toujours sur l’intérêt particulier de chacun.
Le libertarisme : une société juste est une société qui garantit les droits individuels, en particulier le droit de propriété
Le point de départ de la pensée libertarienne est la dignité fondamentale de chaque individu humain, qui ne peut être bafouée au nom d’aucun impératif collectif. Cette dignité réside dans l’exercice souverain de la liberté de choix dans le cadre d’un système cohérent de droits. (…)
Pour les libertariens, on ne saurait réellement comprendre ce qu’est une société libre que si l’on explicite un système cohérent de droits de propriété. En effet, si la liberté consiste à pouvoir faire ce qu’on désire ou, mieux, ce qu’on pourrait désirer, il est clair qu’une société libre ne peut accorder à chacun une pleine liberté en ce sens : votre liberté de vous asseoir sur nos genoux – ou de nous planter un couteau dans le dos – pourrait entrer en contradiction avec notre liberté d’éviter ces désagréments…
Un premier élément central de toute variante du libertarisme consiste, dès lors, à attribuer à chacun un plein droit de propriété sur soi-même. Étant le plein propriétaire de votre corps (et, pour autant qu’elle en soit distincte, de votre âme), vous avez un « droit de veto » sur tout usage qui pourrait en être fait. (…) De toute évidence, le projet libertarien ne peut prétendre offrir une caractérisation de la société juste sans ajouter au principe de propriété de soi des principes qui régissent la propriété des objets extérieurs. Le premier de ces principes régit la circulation des droits de propriété. Il stipule qu’on peut devenir le légitime propriétaire d’un bien soit en l’acquérant grâce à une transaction volontaire avec la personne qui en était auparavant le légitime propriétaire, soit en le créant sans utiliser autre chose, outre soi-même, que des biens acquis de cette manière.
Source : Le Libertarisme ; Christian Arnsperger, Philippe Van Parijs ; Éthique économique et sociale (2003)
Quel est le principe de base du libertarisme ?
Le libertarisme : Une société juste est fondée sur des marchés « minimalement réglementés »
Lauréat du prix Nobel d’économie (1974), Friedrich August von Hayek rejette fermement l’idée selon laquelle la justice sociale consisterait dans une configuration particulière de la répartition des biens ou des revenus. Pour lui, une société juste est avant tout une société dotée d’un cadre légal et d’un ensemble de normes sociales susceptibles de garantir des comportements libres et de permettre leur coordination spontanée. Ces règles et normes sont, pour Hayek, essentiellement celles d’un régime libéral promouvant un marché minimalement réglementé. De telles règles émergent (du moins idéalement, en l’absence de l’intervention intempestive de la puissance publique) comme le résultat d’un processus évolutionnaire par lequel le système social sélectionne les cadres réglementaires les plus appropriés, c’est-à-dire les plus susceptibles d’assurer la maximisation du bien-être global. Source : Le Libertarisme ;Christian Arnsperger, Philippe Van Parijs ; Éthique économique et sociale (2003)
Pour illustrer cette sottise qu’est pour lui la redistribution, [Robert] NOZICK prend l’exemple hypothétique du champion de basket-ball Wilt CHAMBERLAIN, dont le salaire au début des années 1970, atteignait la somme rondelette de 200 000 dollars par saison. Dans la mesure où Mickael JORDAN est devenu, pour notre époque, la star incontestée de ce sport, nous pouvons actualiser le raisonnement de NOZICK en prenant pour exemple celui qui, lors de la dernière saison avec les Chicago Bulls, a été payé 31 millions de dollars. […]
Pour écarter toute interrogation concernant les possessions initiales, imaginons, suggère NOZICK, qu’il vous appartient de déterminer la répartition initiale des revenus et des richesses en fonction du schéma qui vous semble juste ; cela peut être une répartition parfaitement égalitaire, si vous le souhaitez. Maintenant, la saison de basket-ball commence. Ceux qui veulent voir Michael JORDAN jouer déposent dans une boite 5 dollars chaque fois qu’ils achètent un ticket d’entrée. Les recettes de la boite vont à Jordan. Dans la vraie vie, ce sont évidemment les propriétaires de l’équipe de basket qui versent le salaire de JORDAN en puisant dans les revenus de celle-ci. La simplification apportée par NOZICK (ce sont les fans qui paient directement JORDAN) a pour objet de fixer l’attention sur l’enjeu philosophique attaché à l’échange volontaire. De nombreuses personnes désirant voir jouer JORDAN, l’affluence est grande et la boite bien plaine. Il en résulte que la répartition initiale (celle que vous estimiez juste) n’a plus cours. JORDAN est désormais plus riche que les autres, mais qui a des raisons de s’en plaindre ? Pas ceux qui ont payé pour voir jouer JORDAN ; ils ont librement choisi d’acheter les tickets. Pas ceux qui n’aiment pas le basket-ball et ont préféré rester chez eux ; ils n’ont pas dépensé un sou pour JORDAN et ne sont pas moins bien lotis qu’avant. Certainement pas JORDAN ; il a choisi de jouer au basket en échange d’un coquet revenu.
Pour NOZICK, ce scénario illustre deux défauts des théories de la justice distributive déterminées par un schéma type de redistribution. Premièrement, la liberté bouleverse les schémas. Quiconque croit que l’inégalité économique est injuste devra interférer1 dans le libre fonctionnement du marché, de manière répétée et continue pour compenser les effets résultant des choix des gens. Deuxièmement, intervenir de cette manière (imposer JORDAN pour financer des programmes d’aide aux personnes défavorisées) non seulement va à l’encontre des résultats de transactions volontaires, mais enfreint les droits de JORDAN par la saisie d’une part de ses revenus. Cela revient en réalité à le forcer à faire, contre sa volonté, un don caritatif.
Qu’est-ce qui exactement est immoral dans le fait d’imposer les revenus de JORDAN ? Selon NOZICK, l’enjeu moral porte au-delà d’une simple question [de revenu].
Ce qui est en jeu pour lui, ce n’est rien de moins que la liberté humaine. […] Si je suis propriétaire de moi-même, je dois également être propriétaire de mon travail (si quelqu’un peut me contraindre à travailler, c’est mon maître et je suis son esclave) ; si quelqu’un d’autre a un droit sur mes revenus, cette personne est propriétaire de mon travail, ce qui signifie que je suis sa propriété. C’est pourquoi selon NOZICK, le fait d’imposer Michael JORDAN sur les 31 milliards qu’il a gagnés afin de porter secours aux pauvres est une violation de ses droits. De fait, ce qui équivaut à faire de l’Etat ou de la communauté, à proportion de cette imposition, le propriétaire de sa personne.
Pour les libertariens, il y a une continuité morale de l’impôt (s’approprier une part de mes revenus) aux travaux forcés (s’approprier mon travail) et à l’esclavage (bafouer le droit de propriété que je détiens sur moi-même).
Michael SANDEL, Justice, Albin Michel, 2016.
Interférer : faire tort ou gêner.
Le libertarisme : Une société juste laisse à chacun la liberté d’user de sa richesse
Supposons que notre société compte 100 millions de membres, tous à peu près égaux quant à la richesse – 100 euros chacun – et aux talents tout à fait semblables, à une petite exception près : les chansons de Céline Dion nous plaisent
tellement que nous sommes tous désireux d’acheter le nouvel album qu’elle vient de mettre en vente au prix unitaire de 10 euros. Notre patrimoine chute sur le champ à 90 euros, tandis que celui de Céline Dion passe sans tarder à 1 000 000 100 d’euros (abstraction faite de quelques broutilles en frais de production et de promotion, dont on nous pardonnera de ne pas tenir compte). Voilà donc notre chanteuse plus de onze millions de fois plus riche que chacun d’entre nous ! Cela par le simple effet d’une juste circulation des droits de propriété à partir de la (non moins juste) situation égalitaire initiale. L’État ne pourra pas arguer de l’inégalité résultante pour effectuer quelque redistribution que ce soit : ce serait là bafouer la liberté qu’a chacun de nous d’user à sa guise de la richesse et des talents qu’en toute justice il détient. Cette parabole constitue une paraphrase du célèbre exemple du joueur de basket-ball Wilt Chamberlain [Nozick, 1974].
Source : Le Libertarisme ;Christian Arnsperger, Philippe Van Parijs ; Éthique économique et sociale (2003)
Par quel mécanisme est- il juste de répartir les biens socialement valorisés selon les libertariens ? Selon cette conception, les pouvoirs publics doivent -ils intervenir pour modifier cette répartition ?
L’égalitarisme libéral de J. Rawls : Une société juste ne peut sacrifier le droit des minorités pour l’intérêt du plus grand nombre
Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien être de l’ensemble de la société, ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de liberté de certains puisse être justifiée par l’obtention, par d’autres, d’un plus grand bien. Elle n’admet pas que les sacrifices imposés à un petit nombre puissent être compensés par l’augmentation des avantages dont jouit le plus grand nombre. C’est pourquoi, dans une société juste, l’égalité des droits civiques et des libertés pour tous est considérée comme définitive
; les droits garantis par la justice ne sont pas sujets à un marchandage politique ni aux calculs des intérêts sociaux Source : J. Rawls, Théorie de la justice, 1971
RAWLS part d’une idée simple : un système de règles équitables est un système auquel les contractants pourraient adhérer sans savoir à l’avance quel bénéfice personnel ils en retireront. C’est pourquoi il élabore la fiction d’une « position originelle » (il s’agit d’une procédure imaginaire de représentation de la justice comme impartialité […]) dans laquelle les individus connaissent les caractéristiques générales du fonctionnement de la société et de la psychologie humaine sans savoir quelle sera leur position sociale en son sein, ni quelles seront leurs aptitudes naturelles et leurs propensions psychologiques. Ils disposent de toute l’information nécessaire, sauf de celle qui leur permettrait de trancher en leur propre faveur. Dans ces conditions, chaque contractant doit imaginer des principes de justice valides pour une société où sa propre position sociale lui serait assignée par son pire ennemi. Comme on sait, RAWLS fait l’hypothèse que, sous ce « voile d’ignorance », les participants sélectionneraient les deux principes suivants.
Toute personne a un droit égal à l’ensemble le plus étendu de libertés fondamentales égales qui soit compatible avec le même ensemble de libertés pour tous.
Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire deux conditions : elles doivent a) être attachées à des fonctions et positions ouvertes à tous dans des conditions de juste égalité des chances b) fonctionner au plus grand bénéfice des membres les plus défavorisés de la société.
Autrement dit, égale liberté pour tous, égalité des chances et application du fameux « principe de différence » : l’inégalité économique et sociale peut se justifier pour des raisons d’efficacité dans la coopération sociale et la production de richesses, mais elle n’est légitime que si elle améliore la position des plus défavorisés. »
Amartya SEN, L’économie est une science morale, La Découverte, 1999, Paris.
Quelle critique la théorie de la justice de Rawls adresse- t-elle à l’utilitarisme et au libertarisme ? Que peuvent faire alors les pouvoirs publics pour aider les plus défavorisés ?
L’égalitarisme libéral : Une société juste est une société qui privilégie l’égalité des droits et des chances à l’égalité des situations
Le premier principe (1), dit « principe d’égale liberté« , se formule de la façon suivante : « Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec un même système de libertés pour tous » . Les libertés protégées par ce premier principe, et qui doivent donc être égales pour tous, sont « la liberté de pensée et la liberté de conscience, les libertés politiques et la liberté d’association, ainsi que
les libertés incluses dans la notion de liberté et d’intégrité de la personne, et finalement, les droits et libertés protégés par l’Etat de droit (rule of law) » . On notera que John Rawls fait explicitement remarquer qu’il ne compte au nombre des libertés de base ni le droit de posséder certaines formes de propriété comme les moyens de production, ni la liberté du contrat dans l’acception qu’en donne la théorie du laisser-faire, position qui contribue, au-delà de son anti- utilitarisme, à le classer à gauche sur l’échiquier politique américain.
Le second principe (2) s’énonce de la façon suivante : « Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions : a/ elles doivent d’abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans des conditions de juste (fair) égalité des chances ; et b/ elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société » . La première condition (2.a) est dite « principe de juste (fair) égalité des chances« , et la seconde (2.b), « principe de différence« . (…)
La première règle de priorité – dite de « priorité de la liberté » – pose la priorité de (1) sur (2). Elle signifie notamment que l’on ne peut pas réduire les libertés de base en contrepartie d’avantages sociaux ou économiques plus grands. La seconde règle de priorité – dite de « priorité de la justice sur l’efficacité et le bien-être » – énonce que « le second principe de la justice est lexicalement antérieur au principe d’efficacité et à celui de la maximisation de la somme totale d’avantages ; et la juste (fair) égalité des chances est antérieure au principe de différence ». La première partie de cette seconde règle rappelle que la théorie de la justice comme équité s’oppose à l’approche néoclassique et utilitariste de l’économie.
L’égalitarisme strict vise à l’égalité dans l’absolu. Il préfère donc une organisation qui assurerait l’égalité de tous les membres (dans le domaine de l’éducation, par exemple, on se situera au niveau des résultats), même si cela conduit à ce que le niveau moyen soit moins élevé que dans un autre type d’organisation. Il se distingue en cela de l’utilitarisme et de la théorie de la justice de Rawls, qui acceptent tous deux certaines inégalités.
Nathanaël Friant, équité et justice en éducation. https://halshs/archives-ouvertes.fr
Dans les colonnes de gauche et du milieu, faites correspondre chaque conception de la justice sociale (utilitarisme, libertarisme, égalitarisme libéral, égalitarisme strict) et leurs auteurs (Bentham, Nozick, Rawls, Marx) aux définitions proposées dans la colonne de droite :
3. Par quels moyens les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?
Objectif: Comprendre que l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale (fiscalité, protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations) s’exerce sous contrainte de financement et fait
l’objet de débats en termes d’efficacité (réduction des inégalités), de légitimité (notamment consentement à l’impôt) et de risque d’effets pervers (désincitations).
3.1. Le rôle de la fiscalité et de la protection sociale
Quelle est la différence entre l‘ impôt sur le revenu et la CSG ?
l’impôt sur le revenu » proprement dit (IR), qui est affecté à l’Etat, la « contribution sociale généralisée » (CSG), est affectée à la sécurité sociale.
Quelle est la différence entre l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales ?
L’impôt sur le revenu (IR) a fêté ses 100 ans en 2014 : il a été créé par la loi du 15 juillet 1914 sous le nom d’impôt général sur le revenu (IGR), quelques jours avant le début de la première guerre mondiale (1914-1918) qui a favorisé son instauration.
La CSG est de création beaucoup plus récente. Elle remonte à la loi de finances du 28 décembre 1990 sous le gouvernement de Michel Rocard. Portant initialement sur les revenus d’activité (salaires, revenus d’activité non salariaux des indépendants), de remplacement (retraites, allocations de chômage et de préretraite, pensions d’invalidité), elle a été instaurée pour contribuer au financement de la Sécurité sociale. Elle est entrée en vigueur le 1er février 1991. Elle a été étendue en 1997 aux produits de placement
L’impôt sur le revenu et la CSG répondent à des objectifs de politique fiscale bien distincts : l’IR contribue au Budget de l’Etat alors que la CSG est affectée au financement de plusieurs branches de la sécurité sociale (assurance maladie, famille, médico-social, retraites via le Fonds de solidarité vieillesse). L’IR est utilisé comme un outil de politique publique par les gouvernements successifs : instrument de redistribution des richesses, fléchage de l’épargne des Français, financement de tel ou tel pan de l’économie.
D’une manière générale, la différence fondamentale qui existe entre les deux prélèvements est la suivante : la CSG s’applique à des revenus bruts et quasiment systématiquement sans déduction ou abattement alors que l’impôt sur le revenu est basé sur des rémunérations nettes et souvent amputées, par exemple par la déduction forfaitaire de 10% pour frais professionnels pour les salaires ou par l’abattement de 10% pour les pensions de retraite.
Autre différence de taille, la CSG est individualisée alors que l’impôt sur le revenu est conjugalisé (mise en commun des revenus et charges du couple) et familialisé, c’est-à-dire qu’il prend en compte les charges de famille via le mécanisme du quotient familial. Enfin, l’assiette de l’impôt sur le revenu est réduite par des charges déductibles (pensions alimentaires, cotisations d’épargne retraite, etc.) mais aussi par un grand nombre de niches fiscales diverses et variées. Enfin, les revenus du capital (Livrets réglementés, PEL, CEL, assurance vie, PEA, plus-values) sont partiellement ou totalement exonérés d’IR alors que la CSG s’applique à tous les revenus de placements et du patrimoine sauf les livrets réglementés (Livret A, LDD, livret d’épargne populaire, livret jeune).
Conséquence : plus d’un foyer sur deux échappe à l’impôt sur le revenu. Dans un rapport remis en 2007 alors qu’il était député, Didier Migaud, désormais premier président de la Cour des Comptes, avait chiffré l’assiette de l’impôt sur le revenu à 750 milliards d’euros contre 1.050 milliards d’euros pour la CSG. D’où un grand écart de recettes entre les deux prélèvements.
Le fonctionnement de la CSG et de l’IRPP est très différent : la CSG est un impôt proportionnel alors que l’impôt sur le revenu est un impôt à barème progressif pour la quasi-totalité des revenus (hors plus-values immobilières et plus-values sur biens meubles comme l’or ou les œuvres d’art dont le taux est fixé à 19%). Les spécialistes ont coutume de dire que la CSG a une assiette de taxation large et des taux faibles par opposition à l’impôt sur le revenu dont l’assiette est plus réduite et dont le taux marginal (maximum, NDLR) se monte à 45%.
Depuis l’impôt 2015 sur les revenus de 2014, le barème est composé de 5 tranches (0%, 14%, 30%, 41% et 45%). Ces taux s’appliquent un par un à chacune des fractions de revenus imposables prévues au barème et non globalement à tous les revenus. C’est la raison pour laquelle on parle de tranches marginale d’imposition (TMI) soumises chacune à un taux d’imposition croissant en fonction de l’importance des revenus.
Quelle est la différence entre la TVA et les cotisations sociales ?
La TVA est un impôts à taux fixe tandis que les cotisations sociales dépendent du revenu.
A l’aide du calcul le plus approprié, comparez le niveau de vie moyen des 10% les plus modestes avant et après impôts et prestations sociales.
Avant prélèvements et prestations sociales le revenu des 10% les plus aisés était de 6094 euros et de 10% les plus modestes de 274 euros, donc le revenu de 10% les plus riches était 22,2 fois supérieur. Après prélèvements obligatoires et prestations sociales le revenu des 10% les plus aisés est passé à 4708 euros et 843 euros, c’est-à-dire que le revenu des 10% les plus aisés est 5,6 fois supérieur.
Peut-on affirmer que la redistribution réduit les inégalités de niveaux de vie ? Justifiez votre réponse en intégrant des données pertinentes.
Oui, car l’écart entre les plus aisés et les plus modestes est passé de 22,2 à 5,6, c’est-à dire qu’il s’est réduit par 4.
Q1 : Comment distinguer assurance et assistance ? Donnez des exemples de prestations sociales pour chaque cas. L’assurance est fondée sur une logique contributive tandis que l’assistance offre une protection aux individus dans le besoin sans contrepartie. Ex : l’assurance maladie et le RSA.
Q2: Quelles sont les différences entre les impôts et les cotisations sociales ?
Les cotisations sociales servent une logique contributive et les impôts servent al logique d’assistance. Les impôts sont perçu sur le revenu ou sur le patrimoine.
3.2. Le rôle des services collectifs
La création d’équipements collectifs […] vise à « démarchandiser », comme dit ESPING ANDERSEN, l’accès à certains biens. Ici, l’égalité procède moins de l’égalisation des revenus que de la mise à disposition de tous de biens
longtemps réservés à quelques-uns. C’est le cas notamment des transports publics, de l’implantation des services publics, de l’éducation et de tous les équipements publics gratuits parce que leur charge est répartie sur l’ensemble des contribuables.
Ces biens n’entrent pas directement dans la statistique qui mesure les inégalités sociales ; pourtant, eux aussi contribuent à l’égalisation progressive des places, puisque chacun peut en bénéficier. D’ailleurs, la République a longtemps conçu son rôle social par rapport à l’équipement du territoire, chaque commune devant avoir ses écoles, son collège, sa poste, son commissariat, sa piscine, sa bibliothèque, sa salle polyvalente, etc. Les services publics et leur gratuité sont perçus comme une des conditions de l’égalité des places.
Les dépenses de l’Education nationale ont également des effets redistributifs particulièrement importants au plan horizontal. En effet, en raison de l’obligation de scolarisation, les ménages comportant plusieurs enfants en bénéficient davantage que ceux qui n’en ont qu’un et, a fortiori, que ceux qui n’en comportent pas. Compte tenu du fait que les personnes appartenant à un ménage comportant trois enfants ou plus disposent, en moyenne, d’un niveau de vie plus faible que les autres ménages, cette composante horizontale de la redistribution opérée par l’Education nationale augmente son caractère redistributif au plan vertical. […] Les ménages les plus modestes et les familles bénéficient particulièrement des transferts liés à l’éducation.
François DUBET, Les places et les chances, La République des Idées, Seuil, 2010. Comment les services collectifs permettent-ils de réduire les inégalités ?
l’égalité procède moins de l’égalisation des revenus que de la mise à disposition de tous de biens longtemps réservés à quelques-uns. C’est le cas notamment des transports publics, de l’implantation des services publics, de l’éducation et de tous les équipements publics gratuits parce que leur charge est répartie sur l’ensemble des contribuables. Par exemple, mes dépenses de l’Education nationale ont des effets redistributifs particulièrement importants au plan horizontal. En raison de l’obligation de scolarisation, les ménages comportant plusieurs enfants en bénéficient davantage que ceux qui n’en ont qu’un et, a fortiori, que ceux qui n’en comportent pas.
Part des étudiants selon l’origine sociale dans deux formations du supérieur (en %) et dépense publique moyenne (en euros) pour l’année 2019-2020
– Caractérisez la situation des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures au cours de leur cursus universitaire
29,3% des jeunes inscrits en master sont des enfants des cadres et professions intellectuelles et 40,2% des jeunes inscrits dans le master sont des enfants des cadres et professions intellectuelles et 51,9% des jeunes inscrits dans les CPGE sont des enfants des cadres ou professions intellectuelles.
– A l’aide du document et de vos connaissances, vous vous demanderez dans quelle mesure les services publics contribuent à réduire les inégalités.
La dépense publique moyenne par étudiant est de 10100 euro pour les universités et de 15710 euros pour les CPGE.
3.3. Le rôle des mesures de lutte contre les discriminations
La discrimination positive
La discrimination positive vise à éradiquer une discrimination subie par un groupe de personnes en leur faisant bénéficier temporairement d’un traitement préférentiel. Autrement dit, la discrimination positive consiste à mieux traiter une partie de la population, que l’on juge systématiquement désavantagée. Ce concept, né aux États-Unis dans les années 1960-70, a été créé afin de rétablir un équilibre et une diversité dans le monde des études et du travail en particulier.
Toutefois, la discrimination positive ne fait pas l’unanimité. Si certains y voient une volonté de mettre fin aux préjugés dans la société, ses détracteurs la considèrent au contraire comme stigmatisante pour la population ciblée. Le principe de la discrimination positive consiste donc à mettre en place des inégalités dans l’objectif de promouvoir l’égalité des chances.
Différentes mesures peuvent être proposées dans le cadre d’une politique de discrimination positive :
Créations de quotas à l’embauche ou à l’inscription universitaire
Actions fiscales pour privilégier l’embauche de certaines catégories défavorisées
Les mesures de discrimination positive peuvent avoir des répercussions négatives telles que :
Dévalorisation d’un diplôme
Encouragement du communautarisme
Création d’un sentiment d’injustice de la part des personnes en difficulté ne faisant pas partie du groupement favorisé par la politique de discrimination positive…
La mise en place de politiques de discrimination positive fait débat, en France elles sont peu nombreuses, on trouve la loi du 10 juillet 1987 qui impose aux entreprises de plus de 20 salariés d’employer au moins 6% de travailleurs handicapés. C’est la seule véritable loi dite de discrimination positive. En matière de loi, on trouve également des textes visant à réduire les inégalités hommes femmes en matière d’emploi, de rémunération et condition d’avancement. Il existe également depuis 2000 des conventions signées entre des ZEP (zones d’éducation prioritaires) et des grandes écoles pour permettre à des élèves issus de milieux défavorisés d’accéder à de grandes écoles sans passer par les concours communs.
Contrairement aux États-Unis, en France, il n’existe pas de discrimination positive de type ethnique, cette forme de discrimination est assez mal vue, car elle est considérée comme « un concept d’inspiration raciste […] qui attise les tensions raciales et qui constitue un point de rupture avec notre Histoire » d’après Lotfi Bel Hadj, le président de l’Observatoire économique des banlieues.
Le concept de discrimination positive a été abordé à plusieurs reprises en politique, mais il n’a pas, jusqu’à présent, donné lieu à de nouvelles lois. Lorsqu’il est appliqué, c’est principalement de manière plus ou moins expérimentale, ou encore dans des domaines très précis (éducation, politiques territoriales…), il n’est pas inscrit dans le droit constitutionnel.
En quoi consiste la discrimination positive ? Pourquoi fait-elle l’objet de débat ?
La discrimination positive vise à éradiquer une discrimination subie par un groupe de personnes en leur faisant bénéficier temporairement d’un traitement préférentiel. Autrement dit, la discrimination positive consiste à mieux traiter une partie de la population, que l’on juge systématiquement désavantagée.
La discrimination positive est considérée comme « un concept d’inspiration raciste […] qui attise les tensions raciales et qui constitue un point de rupture avec notre Histoire » d’après Lotfi Bel Hadj, le président de l’Observatoire économique des banlieues
Les discriminations sur le marché du travail
La 10e édition du Baromètre de la perception des discriminations réalisé en France en 2016 par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail confirme que le ressenti des discriminations est élevé en France:
40% des personnes interrogées déclarent avoir fait l’objet de discriminations liées au sexe, à l’âge, à l’origine, à la couleur de peau, à la religion, à l’état de santé, au handicap ou à la maternité au cours des cinq années précédant l’enquête. Cette enquête montre par ailleurs que ce ressenti des discriminations se concentre dans le champ de l’accès à l’emploi et de la carrière professionnelle, loin devant celui de l’accès aux biens et services, à l’éducation ou au logement. […]
Bien qu’il présente des limites (voir Carcillo et Valfort, 2020, op. cit.), le testing sur CV est la méthode la moins contestable pour mesurer les discriminations sur le marché du travail. Elle consiste à envoyer, en réponse à des offres d’emploi réelles, des CV et lettres de motivation de candidats fictifs dotés de parcours scolaires et professionnels équivalents, mais différant en fonction d’un critère prohibé par la loi dont on veut savoir s’il influence la décision du recruteur. Dans ce contexte, toute différence de taux d’invitation à un entretien d’embauche entre deux groupes de candidats, l’un majoritaire, l’autre minoritaire, est interprétée comme le résultat d’une discrimination.
Les testings sur CV réalisés depuis vingt ans révèlent que les discriminations sur le marché du travail sont intenses en France (voir Carcillo et Valfort, 2020, op. cit. et Anne et al., 2019). Les femmes sont discriminées lorsqu’elles sont en âge d’avoir des enfants, notamment dans l’accès aux postes à responsabilité. À candidature équivalente, la probabilité pour les Français blancs d’être invités à un entretien d’embauche est de 50à 100% supérieure à celle de Français issus de minorités non blanches. C’est beaucoup plus que dans les autres pays où des testing sur CV pour mesurer la discrimination à l’encontre de l’origine ethnique ont été menés. Les testings sur CV révèlent également que les seniors ont en moyenne 50% de chances en moins que les jeunes d’être invités à un entretien d’embauche. Ils mettent aussi au jour une discrimination spécifique à l’encontre des musulmans.
Stéphane Carcillo, Marie-Anne Valfort, « Lutter contre les discriminations sur le marché du travail », Notes du conseil d’analyse économique, 2020
Pourquoi est-il difficile de mettre en évidence des discriminations sur le marché du travail?
4. Quelles sont les limites de l’action des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale ?
4.1. L’intervention des pouvoirs publics est soumise à des contraintes de financement
L’intervention des pouvoirs publics est soumise à des contraintes de financement
La politique d’Emmanuel Macron a fait « nettement » augmenter les inégalités
On s’en doutait, l’Insee vient de le confirmer: la politique fiscale d’Emmanuel Macron a creusé les inégalités. Deux études, qui viennent d’être publiées, en attestent.
Comme chaque année à cette période, la première fait le point sur l’évolution des principaux indicateurs d’inégalités particulièrement attendu cette fois-ci, car il concerne l’année 2018 et permet donc d’appréhender les effets des premières réformes mises en œuvre par Emmanuel Macron. Le titre de cette publication est d’ailleurs explicite:
«En 2018, les inégalités de niveaux de vie augmentent». Elles s’accroissent même «nettement»apprend-on un peu plus loin dans la publication. […]
La deuxième étude, publiée mardi 8septembre, se penche plus précisément sur l’impact des réformes de 2018 de la fiscalitédu capital. C’est-à-dire la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune(ISF) et son remplacement par un impôt sur la fortune immobilière(IFI), ainsi que la mise en place d’une flat taxsur les revenus du capital, également appelée prélèvement forfaitaire unique(PFU) de 30%. Là aussi, la conclusion, fondée toutefois sur une modélisation et non sur des constats statistiques, est sans appel: les grands gagnants sont les 5% des Français les plus riches, qui voient leur niveau de vie annuel augmenter de plus de 1000 euros.
Laurent Jeanneau, « La politique d’Emmanuel Macron a fait « nettement » augmenter les inégalités », Alternatives Economiques, 10 Septembre 2020
Montrez que la politique fiscale a des effets sur les inégalités de situation.
Résistances à l’impôt, attachement à l’Etat », Alexis Spire Les résistances à l’impôt [Alexis Spire] ; 9 janv. 2019 https://www.youtube.com/watch?v=zIFR-u7pb58
Quel paradoxe le sociologue Alexis Spire relève-t-il ?
Recherchez ce que signifie « niche fiscale » ? « Optimisation fiscale » ? Pourquoi le système est-il moins progressif qu’avant ?
Qu’est- ce qui a nui à la légitimité de l’impôt et nourrit un sentiment d’injustice ?
4.2. L’intervention des pouvoirs publics fait l’objet de débats en termes d’efficacité, de risques pervers et de légitimité
Comprendre que l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale (fiscalité, protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations) s’exerce sous contrainte de financement et fait l’objet de
débats en termes d’efficacité (réduction des inégalités), de légitimité (notamment consentement à l’impôt) et de risque d’effets pervers (désincitations).
Tous les individus perçoivent-ils le même montant de RSA ? Peut-on cumuler le RSA et un salaire ? A quelle condition ? Qu’est-ce que le non-recours ?
Toutes les personnes qui perçoivent le Revenu de Solidarité Active (RSA) ne touchent pas le même montant. En effet, les sommes versées par la CAF dépendent de la composition et des ressources du foyer.
Le cumul entre un salaire et le RSA est envisageable dans certaines conditions. Le RSA est complémentaire aux revenus d’activité pour garantir un revenu minimum à ceux dont les ressources sont limitées. Cependant, le montant du RSA varie en fonction des revenus d’activité perçus.
Selon l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), « la question du non-recours renvoie à toute personne qui ne reçoit pas – quelle qu’en soit la raison – une prestation ou un service auquel elle pourrait pré tendre
».
La redistribution a-t-elle un effet désincitatif ? Le cas du revenu minimum
L’éligibilité au revenu de solidarité active (RSA) est soumise à plusieurs critères. La condition d’âge est notamment restrictive : très peu de personnes de moins de 25 ans sont éligibles au RSA. Avant la mise en place de ce dispositif, en juin 2009, la même condition existait pour le revenu minimum d’insertion (RMI). Cette restriction s’appuie notamment sur la crainte que l’accès au revenu minimum décourage certains jeunes de poursuivre leurs études ou de rechercher un emploi. On peut évaluer l’ampleur de cette désincitation au travail autour du seuil d’âge ainsi créé. Si elle existe, cette désincitation devrait se traduire par un fléchissement du taux d’emploi des jeunes juste après 25 ans, puisque le gain à l’emploi de certains jeunes serait plus faible à partir de cet âge. Or, aucune rupture dans les taux d’emploi à 25 ans n’est repérable pour les jeunes célibataires sans enfant ayant au moins un CAP ou un BEP. Le RMI et le RSA n’auraient donc pas d’effet désincitatif marqué sur l’emploi de ces jeunes. […] Au total, sur la période 2004-2009, entre 1,7 % et 2,9 % de ces jeunes très peu qualifiés auraient été découragés de travailler en raison du RMI. […] Les raisons pour lesquelles la désincitation peut être faible sont bien connues.
Ainsi, l’accès à l’emploi peut être perçu comme une norme sociale à atteindre, même si les gains financiers qu’il procure sont faibles. C’est aussi le moyen de se construire des droits à la retraite. De surcroît, la plupart des chômeurs recherchent un emploi à temps plein, alors que le RMI ou le RSA jouent surtout sur l’arbitrage entre
emploi à temps partiel et inactivité. Enfin, de faibles gains au travail à court terme peuvent être compensés par des gains à plus long terme, avec une amélioration des conditions futures d’emploi procurée par l’expérience professionnelle accumulée.
O. Bargain et A. Vicard, « Le RMI et son successeur le RSA décourage-t-il certains jeunes de travailler ?« , INSEE Analyses, septembre 2012
Le RMI puis le RSA ont-ils un effet désincitatif au travail chez les jeunes ? Comment peut-on l’expliquer ? Le RMI et le RSA n’auraient donc pas d’effet désincitatif marqué sur l’emploi de ces jeunes
L’accès à l’emploi peut être perçu comme une norme sociale à atteindre, même si les gains financiers qu’il procure
sont faibles.
C’est aussi un moyen de se construire des droits à la retraite.
Les faibles gains au travail à court terme peuvent être compensés par des gains à plus long terme, avec une amélioration des conditions futures d’emploi procurée par l’expérience professionnelle accumulée.
L’assistance désincite-t-elle au retour à l’emploi ?
Si le revenu que tire une personne de son retour éventuel à l’emploi est proche, voire inférieur à celui qu’elle obtient par les aides sociales, il est à craindre que cette personne ne soit piégée dans une «trappe à pauvreté» : sa situation est médiocre, mais l’emploi qui pourrait être la première marche permettant de l’améliorer ne présente pas d’avantage financier significatif, tout en présentant un risque sérieux de perte de ressources. […] Il serait donc compréhensible que les bénéficiaires de minima sociaux hésitent à reprendre un emploi dans ces conditions.
Trappes à chômage, trappes à inactivité et trappes à pauvreté ?
La notion de trappe fait référence à la théorie de l’offre de travail, pour laquelle l’individu doit arbitrer de façon rationnelle entre travail et loisir. Dans ce contexte, tout revenu que l’individu peut se procurer sans travail biaise son choix en faveur des loisirs. Si ce revenu est trop important par rapport au salaire auquel il pourrait prétendre, il se trouve pris dans une « trappe », c’est à dire un piège, qui le condamne à l’inactivité. On distingue généralement la notion de trappe à inactivité qui évoque la désincitation financière à entrer sur le marché du travail pour les inactifs, celle de trappe à chômage qui renvoie plus précisément à la question de l’incitation financière pour les chômeurs à accepter un emploi compte tenu de l’existence d’une indemnisation et celle, plus large, de trappe à pauvreté qui fait référence à la situation des personnes, exerçant ou non un emploi, pour lesquelles l’augmentation du revenu d’activité se heurte à des effets de seuil qui les maintiennent sous le seuil de pauvreté.
Quels facteurs désincitent les titulaires de minima sociaux à accepter un emploi ?
Le revenu proposé, l’écart des revenus entre le minima sociaux et le revenu du travail et par conséquent un manque d’avantage financier compte tenu de l’importance de la tâche de travail.
Relever le sens de ces 3 expressions : « trappe à chômage », « trappe à « inactivité » et « trappe à pauvreté »
tout revenu que l’individu peut se procurer sans travail biaise son choix en faveur des loisirs. Si ce revenu est trop important par rapport au salaire auquel il pourrait prétendre, il se trouve pris dans une « trappe », c’est à dire un piège, qui le condamne à l’inactivité. la notion de trappe à inactivité qui évoque la désincitation financière à entrer sur le marché du travail pour les inactifs
trappe à chômage qui renvoie plus précisément à la question de l’incitation financière pour les chômeurs à accepter un emploi compte tenu de l’existence d’une indemnisation
trappe à pauvreté qui fait référence à la situation des personnes, exerçant ou non un emploi, pour lesquelles l’augmentation du revenu d’activité se heurte à des effets de seuil qui les maintiennent sous le seuil de pauvreté
1) Quelles sont les deux situations pour lesquelles l’Etat n’obtient aucune recette fiscale ? Comment l’expliquer ?
1. On observe que pour un taux d’imposition de 0%, l’Etat n’obtient logiquement aucune recette fiscale. Le contribuable a intérêt à maximiser son revenu car il en profite pleinement. Pour un taux d’imposition de 100%, il en va de même puisque l’ensemble des revenus est confisqué par l’Etat aux contribuables.
2) Que désigne le taux B sur le graphique ?
Ce taux est le « taux d’imposition optimale », qui permet de maximiser les recettes fiscales de l’Etat.
3) Rappelez ce que signifient les effets de revenus et de substitution. Pour quels taux moyens d’imposition dominent-ils sur le graphique ?
Du taux 0 au taux B, c’est un « effet de revenu » qui domine : pour compenser leur perte de revenu lié à la hausse du taux d’imposition, les contribuables proposent une offre de travail plus abondante, leur permettant de toucher plus de revenus et de maintenir leur niveau de consommation. Du taux B au taux de 100%, c’est l’« effet de substitution » qui prend le pas : l’accroissement du taux d’imposition entraîne une baisse des salaires effectivement perçus, ce qui revient à une diminution du coût du loisir et conduit le contribuable à réduire son offre de travail.
4) Vaut-il mieux choisir le taux d’imposition A ou le taux C ? Pourquoi ?
Malgré que ces deux taux conduisent à des recettes fiscales identiques, il vaut mieux le taux d’imposition A que le taux C : les mêmes recettes fiscales sont obtenues alors même que le taux A est beaucoup moins désincitatif que le taux B, laissant aux individus un niveau de richesse supérieur.
Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis : voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de vie. Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui : protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n’est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés concerts. Mozart est condamné.
Et je regagnai mon wagon. Je me disais : ces gens ne souffrent guère de leur sort. Et ce n’est point la charité ici qui me tourmente. Il ne s’agit point de s’attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas. C’est quelque chose comme l’espèce humaine et non l’individu qui est blessé ici, qui est lésé. Je ne crois guère à la pitié. Ce qui me tourmente, c’est le point de vue du jardinier. Ce qui me tourmente, ce n’est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s’installe aussi bien que dans la paresse. .. Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C’est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné.
Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’Homme. Antoine de Saint Exupéry. Terre des hommes, 1939